Des commandos libyens ont ouvert le feu samedi sur des personnes qui venaient d'assister aux funérailles de manifestants réclamant le départ de Moammar Khadafi à Benghazi, la deuxième plus grande ville de Libye, faisant au moins 15 morts et de nombreux blessés.

Pour la cinquième journée consécutive, des manifestants exprimaient leur mécontentement vis-à-vis du régime de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans en Libye.

Plusieurs milliers d'entre eux s'étaient ainsi retrouvés pour les obsèques de 35 manifestants tués vendredi, a affirmé un responsable hospitalier.

Quinze personnes ont été tuées, dont une apparemment touchée à la tête par un missile anti-aérien. Ces armes ont sans doute été utilisées pour intimider la population.

«Beaucoup de morts et de blessés ont un lien de parenté avec des médecins ici», a-t-il dit à l'Associated Press lors d'un entretien téléphonique.

Dans l'après-midi, des habitants de cette ville située dans l'est du pays avaient mis en place des patrouilles de quartier, après que les policiers eurent quitté les rues de la ville. Selon des témoins, les forces spéciales libyennes avaient, dans la matinée, donné l'assaut pour disperser des centaines de manifestants, dont des avocats et des juges, qui campaient depuis deux jours devant le palais de justice.

Dans le sillage des mouvements qui secouent le monde arabe depuis les révoltes en Tunisie et en Égypte, plusieurs villes de Libye, notamment dans l'est du pays, ont été cette semaine le théâtre de manifestations hostiles au régime de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969.

Le régime tente d'étouffer la contestation et les forces de sécurité ont été déployées vendredi dans tout le pays. Selon un bilan établi par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, quelque 84 personnes ont été tuées depuis trois jours dans l'est du pays.

Samedi matin vers 5h, les forces spéciales ont attaqué un campement de manifestants devant le palais de justice de Benghazi, deuxième ville de Libye. «Ils ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants dans les tentes et dégagé les lieux après que beaucoup aient fui en emportant les morts et les blessés», a témoigné un manifestant par téléphone de Benghazi. On ne dispose pas d'autres informations sur les victimes.

D'après le témoin, qui a requis l'anonymat par peur de représailles, Benghazi «est une ville fantôme. On a tous peur qu'il arrive quelque chose de grave aujourd'hui».

Internet, parallèlement, a été coupé vers 2h du matin samedi, privant les Libyens d'un des rares moyens dont ils disposent pour s'informer. Vendredi, une nouvelle manifestation violemment réprimée avait eu lieu à Benghazi.

Gamal Bandour, un magistrat de la ville, a rapporté que des accrochages avaient eu lieu entre des manifestants et les forces de sécurité après les funérailles de 15 manifestants abattus jeudi. Après la cérémonie, des protestataires ont incendié des bâtiments gouvernementaux et des commissariats de police.

Human Rights Watch estime à 84 le nombre de morts depuis trois jours, se fondant sur un bilan des hôpitaux et de témoins. Les bilans fournis communiqués vendredi à l'Associated Press recoupent largement les estimations annoncées par le mouvement de défense des droits de l'homme.

«Les autorités libyennes doivent cesser immédiatement ces attaques contre des manifestants pacifiques et les protéger des agressions de groupes armés progouvernementaux», a souligné HRW dans un communiqué. Des médecins de Benghazi ont déclaré vendredi que les hôpitaux de la ville ont réceptionné 35 cadavres, après des attaques des forces de sécurité appuyées par des milices.