Des milliers de manifestants antigouvernementaux sont revenus samedi sur la place de la Perle à Manama après le retrait de l'armée réclamé par l'opposition de Bahreïn, où les syndicats ont lancé un mot d'ordre de grève générale à partir de dimanche.

Le prince héritier, Salman ben Hamad Al-Khalifa, qui avait ordonné le retrait de l'armée, a demandé à la police de «rester à l'écart des rassemblements» sur cette place, épicentre de la contestation où quatre manifestants ont été tués jeudi dans la violente dispersion d'un «sit-in».

La répression des manifestations a été condamnée par le président américain Barack Obama qui a rappelé, lors d'un entretien téléphonique vendredi avec le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, que la stabilité de Bahreïn, siège de la Ve Flotte américaine, dépendait d'«un processus de réformes significatives».

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a exhorté les autorités à «tendre la main aux manifestants» alors que la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton estimait que le dialogue politique promis par le prince héritier «devrait débuter sans délai».

Depuis le début du mouvement de la contestation lundi dans cet archipel du Golfe gouverné par une dynastie sunnite et avec une population majoritairement chiite, six manifestants ont été tués au total.

Après le retrait des chars de l'armée de la capitale, comme le demandait l'opposition, principalement chiite, des milliers de manifestants se sont rassemblés place de la Perle. Ils ont enlevé les barbelés l'entourant et commencé à dresser des tentes.

«Par notre sang, par notre âme, nous te défendrons, Bahreïn», scandaient les protestataires. Peu après, les slogans «Le peuple veut la chute du régime» ont été entendus.

La police n'est pas intervenue, à l'exception d'un bref tir de grenades lacrymogènes sur l'un des axes conduisant à la place, qui n'a pas empêché l'arrivée des protestataires. Environ six personnes ont été hospitalisées pour inhalation de gaz.

«Je suis heureux que nous soyons revenus», a affirmé Ibrahim, 23 ans, un des jeunes internautes à l'origine du mouvement de contestation.

Le retrait de l'armée, déployée en force jeudi après l'assaut sanglant contre le «sit-in» de la place de la Perle, a été jugé insuffisant par des opposants qui réclament une démission du gouvernement avant tout dialogue sur des réformes politiques auquel a appelé vendredi le prince héritier.

Pour sa part, l'union générale des syndicats de Bahreïn a appelé à une grève générale illimitée à partir de dimanche pour exiger la liberté de manifester pacifiquement, sans intervention des forces de l'ordre.

L'union a toutefois appelé ses membres à assurer les services de base comme l'approvisionnement en eau et en électricité.

L'armée avait tiré vendredi soir sur un millier de personnes qui voulaient reprendre un «sit-in» à Manama, faisant des dizaines de blessés, tandis que le prince héritier promettait un dialogue avec les opposants, une fois le calme revenu dans le pays.

L'opposition réclame une véritable monarchie constitutionnelle dans laquelle le premier ministre serait le chef de la majorité parlementaire et non désigné par le roi comme c'est le cas actuellement.

Le poste de premier ministre est occupé par cheikh Khalifa ben Salman Al-Khalifa, oncle du roi, depuis l'indépendance de Bahreïn, en 1971. Les ministères de souveraineté sont tenus par des membres de la famille royale.

Bahreïn fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières du Golfe, ses réserves de pétrole étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, le pays a été secoué par des violences animées par des chiites, qui avaient fait une quarantaine de morts.



Six piliers et une perle

Dès que son accès est redevenu libre samedi, la foule n'a cessé de grossir sur cette place construite autour d'un monument de six piliers supportant une perle.

Les piliers représentent les membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), club des monarchies arabes du Golfe auquel appartient Bahreïn, et la perle renvoie au passé perlier de l'archipel qui vivait de cette pêche avant la découverte du pétrole dans les années 1930.