Le bilan des émeutes en Libye dépassait vendredi soir quarante morts, les affrontements touchant l'Est du pays, notamment Benghazi, où le siège de la radio a été incendié alors que les manifestants ont pendu deux policiers dans la ville d'Al Baïda.

Selon le journal libyen Oéa, proche du réformateur Seif Al-Islam, fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi, les manifestations contre le régime ont fait au moins vingt morts à Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays, et sept à Derna (est).

Ce nouveau bilan porte à 41 le nombre de morts depuis le début des protestations en Libye mardi, selon un décompte fait par l'AFP à partir de différentes sources locales.

Il ne comprend pas quatre prisonniers tués vendredi par les forces de l'ordre alors qu'ils tentaient de s'évader d'une prison près de Tripoli, ni les deux policiers pendus.

Ces derniers tentaient de disperser une manifestation à Al-Baïda (200 km à l'est de Benghazi) lorsqu'ils ont été capturés par des manifestants avant d'être pendus, a indiqué Oéa.

L'Organisation non gouvernementale Amnesty International a de son côté indiqué que 46 personnes avaient été tuées ces dernières 72 heures lors des émeutes en Libye.

Les manifestants réclament le départ de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. Deux pays voisins, la Tunisie et l'Égypte ont vu ces dernières semaines leurs dirigeants chassés par la rue.

Les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, avaient menacé vendredi les «groupuscules» manifestant contre Mouammar Kadhafi d'une riposte «foudroyante».

«Le pouvoir du peuple, la Jamahiriya (pouvoir des masses), la révolution et le leader (Mouammar Kadhafi) constituent des lignes rouges. Celui qui tentera de les dépasser (...) joue avec le feu», avaient-ils prévenu.

Le colonel Kadhafi n'est en théorie qu'un «guide» prodiguant ses conseils, alors que des «congrès populaires» se réunissent annuellement pour prendre les décisions qu'ils font «remonter» au Congrès du peuple (Parlement), la plus haute instance législative du pays.

Mais un mouvement de contestation contre son régime a débuté mardi et s'est intensifié jeudi après un appel sur internet à une «journée de la colère».    Le réseau social Facebook, par lequel ont transité ces appels à la mobilisation, n'était plus accessible vendredi soir à Tripoli, et les connexions internet étaient très perturbées.

Les premières manifestations ont été très violemment réprimées, notamment à Benghazi, bastion de l'opposition, et Al-Baïda, toutes deux situées dans l'Est, sur la côte méditerranéenne.

Les forces de l'ordre étaient postées vendredi autour d'Al-Baïda et en contrôlaient les entrées et sorties ainsi que l'aéroport, a dit à l'AFP une source proche du pouvoir, après des informations circulant sur internet selon lesquelles des manifestants auraient pris le contrôle de la ville.

«Les forces ont reçu l'ordre de quitter le centre de la ville pour éviter des affrontements avec les manifestants», a indiqué cette source, sous le couvert de l'anonymat.

Au moins quatorze personnes ont été tuées à al-Baïda depuis mercredi, a indiqué une source libyenne bien informée, alors qu'un précédent bilan faisait état de deux morts.

Parmi ces morts figurent des manifestants, mais aussi des partisans du régime, a ajouté cette source.

À Benghazi, des milliers de personnes ont participé vendredi aux obsèques des manifestants, selon des témoins.

Plus d'un millier de prisonniers se sont par ailleurs évadés vendredi après une mutinerie dans une prison de la ville, selon le journal Quryna, également proche de Seif Al-Islam, et 150 auraient ensuite été arrêtés.

À Tripoli, la capitale, des partisans du régime sont descendus vendredi dans la rue, comme la veille, sillonnant la ville en voiture, brandissant des portraits du colonel Kadhafi et des drapeaux.

Les médias officiels continuaient à occulter les protestations. Depuis mercredi, l'agence officielle libyenne et la télévision nationale se contentent d'évoquer des rassemblements et des défilés pro-régime.