Des militants anticorruption égyptiens ont demandé jeudi au procureur en chef du pays de lancer une enquête sur les avoirs d'Hosni Moubarak et de sa famille, lui remettant des documents qui démontrent - selon eux - comment l'ancienne première famille a réussi à amasser une fortune qui pourrait atteindre 70 milliards $ US.

Différents organismes prétendent que sous le régime Moubarak, les principaux dirigeants et de grands hommes d'affaires jouissaient d'un traitement de faveur qui leur a permis de s'enrichir. Ils auraient notamment pu mettre la main sur des entreprises gouvernementales pour une bouchée de pain, lors de la privatisation lancée au début des années 1990.

«Il s'agit du plus important complot jamais perpétré par une seule famille contre la richesse égyptienne», a dit le militant Mamdouh Hamza, qui a participé à la rencontre avec le procureur en chef jeudi.

Depuis qu'il a renoncé au pouvoir le 11 février, Moubarak a trouvé refuge dans une villa de Charm el-Cheik, sur la mer Rouge, selon un responsable gouvernemental qui a aussi nié que l'ancien président soit parti en exil.

Le clan Moubarak n'a pas commenté publiquement ces allégations de malversations et ne dispose pas d'un porte-parole. Aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que Moubarak et ses fils ont amassé une vaste fortune ou que des gestes illégaux ont été posés.

Le procureur égyptien en chef a gelé les avoirs de plusieurs hommes d'affaires et anciens dirigeants, mais il n'a encore pris aucune mesure contre la famille Moubarak. Plusieurs de ceux qui dirigent maintenant l'Égypte - dont des généraux de l'armée - entretenaient des liens étroits avec l'ancien régime. Les représentants de l'opposition craignent donc qu'ils ne puissent être frileux à l'idée d'une enquête contre le clan Moubarak.

Au coeur des allégations des militants se trouvent des documents qui soulèvent des questions concernant des sociétés étrangères et des fonds installés ou enregistrés à Chypre, aux Bahamas, dans les îles Vierges britanniques et aux îles Caïmans, a dit M. Hamza.

Au premier plan de celles-ci se retrouve Bullion, une firme enregistrée à Chypre et qui compte parmi les membres de son conseil d'administration les deux fils Moubarak, Alaa et Gamal. Bullion est aussi propriétaire de la londonienne Medinvest Associates, créée par Gamal Moubarak en 1996.

Des membres des conseils d'administration des deux compagnies sont aussi des membres du conseil d'administration ou des dirigeants importants de la banque d'affaires EFG Hermes, dont le siège social se trouve au Caire. Gamal Moubarak détient une participation de 18 pour cent dans une filiale d'EFG, EFG Hermes Private Equity.

La banque a nié jeudi avoir profité d'un traitement préférentiel de la part de l'ancien régime.

M. Hamza a indiqué que le procureur en chef devrait rencontrer les militants de nouveau la semaine prochaine. Il a ajouté que le procureur a semblé réceptif à l'idée de lancer une enquête.

Un rapport rendu public par le Centre Ahram d'études stratégiques et internationales, au Caire, révèle que Moubarak a reçu un salaire de 765 $ US en 2007-2008, une somme qui aurait été majorée à 3400 $ US depuis.

«Puisque la Constitution interdit au président d'utiliser son poste pour mener des affaires, toute richesse accumulée à l'extérieur de son salaire est considérée avoir été acquise illégalement», a expliqué un représentant du centre, Mohammed al-Damati.

Contrairement à d'autres dirigeants arabes, et surtout ceux des riches nations pétrolières du Golfe, Moubarak n'a jamais étalé sur la place publique la fortune que sa famille pourrait avoir amassée. Le symbole le plus en vue de la fortune présumée de l'ancienne première famille est une maison dans le chic quartier londonien de Knightsbridge.

Jeudi, l'agence gouvernementale américaine responsable de la lutte au blanchiment d'argent a dit avoir ordonné aux banques de porter une attention plus serrée aux comptes et transactions associées au régime égyptien. Le gouvernement suisse a de son côté indiqué avoir été informé que d'anciens dirigeants égyptiens auraient caché des biens sur son territoire.

L'opération n'est toutefois pas sans risques pour l'économie égyptienne. «Les hommes d'affaires (égyptiens) sont un produit de ce régime, a rappelé l'économiste en chef de la Banque Saudi Fransi, John Sfakianakis. Tous ceux qui ont fait de l'argent sous Moubarak en font partie.»

Des compagnies bien établies dans lesquelles les investisseurs ont versé des milliards de dollars pourraient donc être éclaboussées. Ces compagnies pourraient ensuite être délaissées par des investisseurs étrangers craintifs.