Deux personnes ont été tuées et des dizaines blessées lors de la dispersion par les forces de sécurité bahreinies dans la nuit de mercredi à jeudi des manifestants qui campaient dans le centre de Manama, selon les proches des victimes et l'opposition.

Selon les témoignages de plusieurs personnes qui passaient la nuit sur la Place de la Perle, les forces anti-émeutes ont attaqué les protestaires soudainement, faisant notamment usage de gaz lacrymogènes mais également, selon l'opposition, de balles en caoutchouc et de balles à fragmentation.

«Ils ont attaqué la place où des centaines de personnes passaient la nuit sous des tentes», a affirmé Fadel Ahmad, 37 ans.

Deux personnes, Mahmoud Makki Ali, 22 ans, et Ali Mansour Ahmad Khoder, 52 ans, ont été tuées, selon leurs familles.

En outre, «au moins 50 personnes ont été blessées, dont au moins dix grièvement», selon Matar Matar, porte-parole du mouvement Al-Wefaq, principale formation de l'opposition chiite.

Ces tués portent à quatre le nombre de morts à Bahrein depuis le début du mouvement de contestation lundi, à l'initiative d'internautes qui ont appelé sur Facebook à des manifestations pour réclamer des réformes politiques et sociales à Bahreïn, dans la foulée des soulèvements en Tunisie et en Egypte.

Le chef de l'opposition chiite, cheikh Ali Salmane, a affirmé à l'AFP que les forces anti-émeutes avaient attaqué «sans sommation» les contestataires, faisant usage «de balles à fragmentation et de balles en caoutchouc».

Les forces de sécurité ont réussi à déloger les protestataires qui occupaient la Place de la Perle depuis mardi, après la mort de deux jeunes chiites lors de la dispersion de manifestations anti-gouvernementales dans ce petit royaume du Golfe.

La place avait été renommée par les manifestants Tahrir (Libération), comme celle du Caire qui a été l'épicentre du soulèvement ayant provoqué la chute du président Hosni Moubarak.

Jeudi à l'aube, des policiers démontaient les tentes érigées par les manifestants sur la place, qui avait été évacuée et était toujours recouverte d'une épaisse fumée en raison de l'usage des gaz lacrymogènes, selon un journaliste de l'AFP.

Des détonations ainsi que les sirènes des ambulances avaient été entendues à quelques centaines de mètres de la place lors de l'assaut, alors qu'un hélicoptère survolait le secteur.

A l'hopital Salmaniya, principal établissement hospitalier de Manama, des blessés continuaient d'arriver, par ambulances ou par voitures particulières, plus de trois heures après l'assaut et le personnel était débordé.

Dans un communiqué diffusé par l'agence officielle BNA, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Tarek al-Hassan, a affirmé que «les forces de sécurité ont évacué la place de la Perle (..) après avoir épuisé toutes les chances de dialogue» avec les protestataires.

«Certains ont quitté les lieux d'eux-mêmes alors que d'autres ont refusé de se soumettre à la loi, ce qui a nécessité une intervention pour les disperser», a-t-il ajouté.

Cheikh Ali Salmane a pour sa part affirmé que l'assaut des forces de sécurité contre des protestaires à Manama aurait des conséquences «catastrophiques sur la stabilité de Bahrein».

Les Etats-Unis avaient appelé les autorités et les manifestants «à s'abstenir de recourir à la violence» à Bahreïn, un proche allié, siège de la Ve Flotte américaine et port d'attache des bâtiments de guerre américains en mission dans la région.

La Grande-Bretagne avait également fait part de son «inquiétude» sur la situation à Bahreïn.

C'est surtout la majorité chiite dans cet archipel gouverné par une dynastie sunnite, qui s'estime discriminée en matière d'emploi, de services sociaux, des services publics et de logement.

Cheikh Ali Salmane avait réclamé mercredi «une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple», mais assuré ne pas vouloir la chute du régime ni l'instauration d'un Etat religieux sur le modèle iranien.