Les Égyptiens testaient leur nouvelle liberté acquise depuis le départ d'Hosni Moubarak en poursuivant mercredi les mouvements de grève entamés pour réclamer des augmentations de salaire, même si l'armée maintenant au pouvoir leur a demandé de reprendre le travail.

Des arrêts de travail et des rassemblements étaient signalés mercredi dans de nombreux endroits, en particulier dans le delta du Nil, les villes le long du canal de Suez, au Caire et dans la deuxième ville du pays, Alexandrie.

Nombre de ces conflits ont débuté ces derniers jours, avant d'être suspendus mardi, jour férié marquant l'anniversaire de la naissance du prophète Mahomet.

Le secteur bancaire était également perturbé, obligeant la Bourse du Caire à rester fermée jusqu'à dimanche au moins.

Après avoir suspendu leur grève dimanche, les employés de la plus grande usine d'Égypte ont repris leur mouvement mercredi pour réclamer hausses de salaire et meilleures conditions de travail, au lendemain d'une mise en garde de l'armée contre les conséquences «désastreuses» de nouveaux mouvements sociaux.

Faiçal Naoucha, un des organisateurs de la grève, a précisé à l'AFP que le personnel de l'entreprise publique Misr Filature et Tissage, qui emploie quelque 24.000 personnes à Mahallah, dans le delta du Nil, demandait aussi le départ de deux des directeurs de l'usine.

Une grève était aussi en cours dans une autre grande usine textile, à Helwan, dans la banlieue sud du Caire.

À Ismaïliya, sur le canal de Suez, des employés des services publics de l'irrigation, l'éducation et la santé ont protesté devant le gouvernorat pour demander de meilleurs salaires, ont indiqué des témoins.

Cette situation sociale difficile s'ajoute à la crise du tourisme, au point mort depuis plusieurs semaines alors que cette période de l'année correspond à la haute saison.

Le tourisme rapporte environ 13 milliards de dollars par an au pays. Il représente 6% du PIB et, directement ou indirectement, près de 10% de l'emploi.

L'armée «est consciente des conditions sociales et économiques que traverse la société, mais ces problèmes ne peuvent pas être résolus avant la fin des grèves et des sit-in», a-t-elle dit mardi, selon l'agence officielle Mena.

Environ 40% de la population égyptienne vit en dessous du seuil de pauvreté, établi à deux dollars par jour et par personne. Le salaire minimum, fixé l'an dernier à environ 70 dollars par le gouvernement, est proche de ce seuil de pauvreté.

L'Égypte a appelé mardi la communauté internationale à soutenir son économie, durement affectée par la crise.

Au plus fort de la révolte, l'économie égyptienne perdait au moins 310 millions de dollars par jour, selon une note du Crédit Agricole, qui a abaissé ses prévisions de croissance 2011 pour l'Égypte de 5,3% à 3,7%.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a fait savoir qu'elle se rendrait mardi prochain en Égypte, où elle devrait être le premier responsable étranger important à effectuer une visite depuis le départ vendredi de M. Moubarak.

Un membre de la commission chargé de modifier la Constitution égyptienne a par ailleurs confirmé que les amendements seraient prêts dans une dizaine de jours et soumis à référendum d'ici deux mois.

Cette révision était l'une des principales revendications des manifestants qui accusent la loi fondamentale actuelle d'être taillée sur mesure pour l'ex-président et son parti.

Cette révision et son référendum doivent être suivis dans plusieurs mois d'élections législatives et présidentielle.

Les Frères musulmans, le plus influent mouvement d'opposition, ont assuré de leur côté qu'ils ne chercheraient pas à avoir la majorité dans le prochain Parlement et ne présenteraient pas de candidats dans toutes les circonscriptions.

«Nous ne cherchons pas à avoir la majorité parlementaire. C'est un message à tous les partis», a déclaré Essam el-Erian, membre du bureau politique de la confrérie islamiste.