Pour la quatrième journée consécutive des milliers de Yéménites ont manifesté lundi dans tout le pays, réclamant des réformes politiques et la démission du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 30 ans.

Étudiants, militants des droits de l'homme et élus au parlement ont défilé à Sanaa, la capitale, rejoints par des avocats en robe noire, scandant des slogans réclamant la chute du régime.

«Une révolution de liberté d'expression, une révolution de liberté, à nous de décider», ont scandé les manifestants.

Une contre-manifestation rassemblant quelques centaines de personnes leur a fait face, venue soutenir les récents appels au dialogue lancés par le pouvoir. Des échauffourées ont opposé les deux groupes devant l'université, faisant au moins trois blessés, avant que la police intervienne pour les séparer.

Les manifestants ont alors pris la direction du centre-ville, la démonstration prenant de plus en plus d'ampleur en chemin. «Saleh, va-t'en», ont crié les manifestants en marchant.

Selon l'avocat Hassan al-Dola, les manifestants dénoncent notamment la corruption généralisée et l'appareil de sécurité qui terrorisait la population. «Nous continuerons à manifester jusqu'à la chute du régime», a renchéri le député indépendant Ahmed Hashid.

Dans le même temps, des dizaines de femmes manifestaient devant le siège des services de renseignement de la police dans la capitale, réclamant la libération de leurs fils.

Des manifestations similaires ont eu lieu à Aden (sud) et Taëz (centre), les deux autres grandes villes du pays. À Taëz, la police a dispersé les manifestants à coups de tirs de sommation et de grenades lacrymogènes. Douze personnes ont été blessées et des dizaines d'autres arrêtées, et des journalistes yéménites et étrangers ont été passés à tabac par des manifestants pro-gouvernementaux.

Les manifestations ne cessent de prendre de l'ampleur au Yémen depuis vendredi et les rassemblements de joie ayant suivi la démission du président égyptien Hosni Moubarak. Dimanche, la police a violemment réprimé le mouvement, à coup de tasers notamment, selon l'ONG Human Rights Watch.

Le président Saleh a reporté sa visite prévue aux États-Unis à la fin du mois pour suivre les développements dans la région, a annoncé la télévision publique dimanche. Il a en revanche été rendre visite aux tribus des environs de Sanaa, tentant d'éviter qu'elles ne viennent se joindre aux manifestants.

Les liens se sont resserrés entre Sanaa et Washington depuis l'émergence d'al Qaïda dans la péninsule arabique, devenue une des filiales les plus actives du mouvement terroriste fondé par Oussama Ben Laden, dont la famille est originaire du Yémen.

Dans cette optique, l'armée américaine va entamer bientôt un nouveau programme de formation des unités antiterroristes yéménites, a annoncé un haut responsable américain de la Défense. Un programme qui coûtera environ 75 millions $ US.

Saleh, au pouvoir depuis 30 ans au Yémen, le plus pauvre des pays arabes, a cherché à calmer le jeu en s'engageant à ne pas se représenter à l'issue de son mandat qui s'achève en 2013. Le gouvernement central du Yémen n'a guère de contrôle sur le pays en dehors de la capitale.