Les nouvelles autorités de transition tunisiennes affrontent leur première crise diplomatique avec l'Italie, inquiète d'un exode massif de clandestins tunisiens vers ses côtes, un mois jour pour jour après la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali.

Le dossier a pris un tour tel que le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini est attendu pour une visite éclair en Tunisie lundi après-midi, au cours de laquelle il doit rencontrer le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, en marge d'un voyage prévu de longue date en Syrie et en Jordanie.

Le sujet s'est aussi imposé à l'ordre du jour de la chef de la diplomatie européenne, la Britannique Catherine Ashton arrivée lundi matin à Tunis pour une visite de quelques heures, destinée au départ à apporter le soutien de l'UE aux réformes politiques et à la relance économique cruciale pour la bonne marche de la transition.

Subitement confronté au délicat problème de l'émigration clandestine vers l'Europe, le gouvernement de transition a déjà prévenu lundi qu'il rejetait de manière catégorique «toute ingérence dans ses affaires intérieures» ou «atteinte à sa souveraineté», selon un responsable du ministère des Affaires étrangères.

Le ton est soudainement monté ce week-end entre Tunis et Rome après l'arrivée en cinq jours de quelque 5 000 clandestins sur la petite île italienne de Lampedusa (138 km des côtes tunisiennes), pour la plupart des Tunisiens venus chercher un emploi en Europe.

Évoquant un «système tunisien à la dérive», le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, membre du parti anti-immigrés et populiste de la Ligue du Nord, avait souhaité dimanche un déploiement de ses policiers en Tunisie.

«Inacceptable», a répondu le gouvernement tunisien tout en se disant «prêt à coopérer» avec les autres pays pour enrayer cet exode.

Avant son départ dans la région, M. Frattini a estimé que les deux pays avaient «un intérêt commun à freiner le trafic». Tandis qu'à Paris, le ministre français de l'Industrie, Eric Besson, prévenait qu'il n'y aurait pas de «tolérance pour l'immigration clandestine».

Les autorités tunisiennes ont elles affirmé lundi avoir fait échouer plusieurs tentatives d'émigration clandestine à partir des côtes de Gabes (sud).

L'armée, soutenue par des gardes-côtes, a établi un centre de contrôle dans le port de cette ville et bloqué les issues normalement empruntées par les embarcations de clandestins, selon l'agence officielle TAP.

Dimanche, un clandestin ayant survécu à un naufrage a raconté à l'AFP qu'il voulait «partir pour trouver un emploi». «À cause des troubles, la situation est difficile (...) j'ai voulu tenter ma chance en Europe», avait expliqué Abdelhamid Betaib, 18 ans, diplômé en mécanique.

Les revendications des clandestins rappellent au gouvernement l'ampleur de la réponse sociale à apporter aux Tunisiens qui au départ de leur contestation ayant mené à la chute de l'ancien régime réclamaient du pain et la dignité d'avoir un emploi.

Tunis compte beaucoup sur le soutien économique de la communauté internationale.

Outre l'aide financière de l'Union européenne, la Tunisie tient en particulier à obtenir le «statut avancé», déjà attribué au Maroc.

L'UE avait entamé en mai 2010 des négociations en vue d'accorder à la Tunisie ce statut qui ouvre la voie à un traitement douanier préférentiel et à une libéralisation en matière de visas.

Dans ce contexte d'«acquis, d'attentes et d'interrogations», comme titrait dimanche le journal Le quotidien, les Tunisiens célébraient lundi leur révolution.

Le vendredi 14 janvier, à 18H00, après 23 ans de pouvoir sans partage, près d'un mois de contestation populaire, plus de 200 morts, le président Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, fuyait son pays devenant le premier dirigeant d'un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue.