Il était environ 18h au Caire quand le vice-président Omar Souleimane a pris la parole. Puis, une clameur aussi incrédule qu'extatique a balayé l'épicentre de la révolution égyptienne avant de contaminer le monde entier: Hosni Moubarak venait d'annoncer sa démission. Une jeune génération, éduquée, mais sans emploi, avide de liberté, s'est avérée plus entêtée que le vieux dictateur. L'armée hérite de la gestion du pays et affirme qu'elle ne souhaite pas se substituer à «la légitimité voulue par le peuple». Du bureau ovale de Washington aux rues de Tunis, tout le monde félicite les Égyptiens. Mais une question habite toutes les têtes: à qui le tour maintenant?

Mohamed ElBaradei

Prix Nobel de la paix et ancien dirigeant de l'Agence internationale de l'énergie atomique, il a annoncé il y a plus d'un an qu'il comptait se présenter aux présidentielles égyptiennes de septembre 2011. L'annonce a été jugée audacieuse, car les observateurs doutaient qu'il puisse inscrire son nom sur le bulletin de vote. Faute de pouvoir diriger un parti politique reconnu, ElBaradei, 68 ans, a fondé l'Association nationale pour le changement. Il est considéré aujourd'hui comme la figure la plus en vue de l'opposition égyptienne. Mais hier, il a laissé entendre qu'il n'y aurait probablement pas d'élections au mois de septembre, comme prévu. «C'est trop tôt», a-t-il déclaré en entrevue à la radio NPR. Il faut, selon lui, prendre le temps de créer un système qui permettra la tenue d'élections libres.

Mohamed Hussein Tantaoui

En léguant son autorité au Conseil suprême des forces armées, Hosni Moubarak a fait de son ministre de la Défense le nouvel homme fort du pays. Hier soir, le maréchal Tantaoui, 75 ans, a salué la foule devant le palais présidentiel. Lui-même officier de l'armée de terre, il dirige depuis 20 ans les Forces armées égyptiennes. En 2008, un télégramme diplomatique américain révélé par WikiLeaks l'avait décrit comme «charmant et courtois», mais aussi «âgé et résistant au changement». «Moubarak et lui se concentrent sur la stabilité du régime et le maintien du statu quo jusqu'à la fin de leurs jours. Ils n'ont tout simplement pas l'énergie, l'inclination ou la vision du monde pour faire les choses différemment.»

Frères musulmans

Leur point fort: il s'agit de la force d'opposition la mieux organisée en Égypte. Leur point faible: le guide suprême, Mohamed Badie, n'est pas un leader charismatique. Les Frères musulmans suscitent la méfiance tant en Occident que sur les bords du Nil. Ils se sont joints à la contestation populaire après quelques jours de manifestation et ont assuré à plusieurs reprises qu'ils ne recherchaient pas le pouvoir et qu'ils n'étaient pas en faveur d'un État religieux. Comment useront-ils de leur droit de parole dans une Égypte libre? Les observateurs estiment qu'ils pourraient recueillir l'appui d'environ 30% des Égyptiens.

Amr Moussa

De 1991 à 2001, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Amr Moussa, était populaire parmi ses concitoyens, notamment à cause de ses positions pro-palestiniennes. Très populaire. Peut-être trop, croient certains, puisque Amr Moussa a fini par quitter l'Égypte pour être «promu» en 2001 à la tête de la Ligue arabe. Mais le 4 février, sur la place Tahrir, Amr Moussa, 75 ans, est rentré chez lui. Et il n'a pas exclu être candidat aux présidentielles. Hier, il a annoncé qu'il quitterait dans les prochaines semaines la direction de la Ligue arabe.

Omar Souleimane

À 74 ans, l'ancien directeur des redoutables services secrets égyptiens vient tout juste de commencer sa carrière politique. Le 29 janvier, pour tenter de calmer les manifestations qui avaient débuté quatre jours plus tôt, le président Moubarak a nommé Omar Souleimane au tout nouveau poste de vice-président. Le 10 février, il a hérité de certains pouvoirs du président. Et hier, il a annoncé lui-même la démission de Moubarak. Si la rue a célébré hier le départ du raïs, elle se méfie de Souleimane, pur produit du même régime, dont le passage aux services secrets est émaillé de récits d'abus et de tortures.