Le vice-président égyptien Omar Souleimane, auquel le président Hosni Moubarak a délégué ses pouvoirs jeudi, a appelé les jeunes manifestants à rentrer chez eux, dans une déclaration télévisée.

Selon l'ambassadeur égyptien aux États-Unis Sameh Choukri qui s'exprimait jeudi sur la chaîne CNN, le vice-président égyptien Omar Souleimane est désormais le «président de facto» d'Égypte.

«Le président Moubarak a transféré ses pouvoirs à son vice-président, qui est désormais chargé de toutes les fonctions de président», a déclaré l'ambassadeur, qui a précisé qu'il s'exprimait à la demande de M. Souleimane.

«Aussi pouvons-nous dire que le président (Moubarak) est un président de droit, mais que le vice-président est un président de facto», a-t-il ajouté.

À la question de savoir si M. Moubarak n'avait plus de pouvoir, il a répondu: «C'est certainement l'interprétation qu'on peut faire» de la situation.

«Le président (Moubarak) a indiqué très clairement qu'il transférait toute son autorité présidentielle au vice-président», a-t-il insisté.

Face à la pression populaire qui ne faiblit pas, Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, a déclaré jeudi soir qu'il déléguait ses pouvoirs à son vice-président Omar Souleimane, mais sans démissionner.

Souleimane, l'homme de l'ombre

Après avoir géré dans l'ombre pendant des années les dossiers chauds de politique étrangère d'Égypte, Omar Souleimane, auquel le président Hosni Moubarak a délégué ses pouvoirs, a été propulsé au devant de la scène après sa nomination au tout nouveau poste de vice-président.

En pleine contestation populaire du régime et dans une tentative d'apaiser ses détracteurs, Hosni Moubarak nomme le 29 janvier M. Souleimane, patron des services secrets, comme vice-président, premier poste du genre en près de 30 ans de règne.

Né en 1934 dans une famille aisée de Qena, en Haute-Égypte, cet homme de taille moyenne, à la calvitie prononcée et la moustache en accent circonflexe, a été l'homme clé qui a géré des dossiers de politique étrangère dont celui du conflit israélo-palestinien.

Après avoir troqué l'uniforme pour les costumes rayés, il a su opérer dans l'ombre, parlant avec Israël et son ennemi juré, le Hamas, pour en finir avec la meurtrière guerre de Gaza fin 2008.

Il détient le record des trêves israélo-palestiniennes, parfois à la vie courte, conclues depuis la deuxième Intifada palestinienne en 2000.

Incontournable, il accumule les «missions spéciales». Il gère en première ligne les stratégiques dossiers «Israël» et «Palestiniens», davantage que le chef de la diplomatie, Ahmed Aboul Gheit.

Pour lui, son «métier» est un jeu d'échec ou de cartes. On ne gagne pas toutes les parties. Ainsi le général Souleimane avait placé ses hommes à Gaza et pourtant le Hamas avait réussi à bouter en juin 2007 le Fatah de Mahmoud Abbas.

Engagé dans la voie militaire, il prend rapidement le chemin des «services», devenant en 1991 le chef des moukhabarat, le redoutable et tentaculaire bureau de renseignements intérieurs.

Omar Souleimane faisait partie du «premier cercle», très étroit, de M. Moubarak.

C'est lui qui a conseillé au raïs de faire acheminer une voiture blindée lors de son déplacement, le 22 juin 1995, à Addis Abeba, pour un sommet panafricain, lui sauvant la vie. Des terroristes islamistes ont dressé une embuscade, MM. Moubarak et Souleimane échappent à leurs balles grâce au véhicule blindé, mais le chauffeur trouve la mort.

Les groupes islamistes radicaux de la Gamaa islamiya ou du Djihad, responsables de sanglants attentats en Égypte, sont ses premières cibles dans les années 1990. La répression qui s'abattit sur eux fut sans pitié.

«Souleimane, il est clair, structuré, subtil, crédible pour tous, et donc respecté par tous», a déclaré à l'AFP l'ex-chef du service de renseignements d'un grand pays européen, qui l'a rencontré souvent.

«Issu de la matrice militaire, il est les yeux et les oreilles du président, avec un sens aigu des intérêts de l'Égypte», note son ancien «collègue» européen, et fin connaisseur du monde arabe.