Les manifestants de la place Tahrir au Caire ne semblaient pas vouloir lâcher prise mercredi, au 16e jour de révolte et au lendemain d'une mobilisation monstre contre le président Hosni Moubarak, maintenant la pression pour des changements politiques profonds en Égypte.

Sur ce rond-point devenu symbole du mouvement de contestation déclenchée le 25 janvier, les milliers de protestataires qui campent nuit et jour sur la place promettent de ne pas céder avant le départ du chef d'État, l'une de leurs principales revendications.

En début d'après-midi, une foule dense agitant des drapeaux égyptiens était déjà réunie et d'autres manifestants convergeaient vers la place.

«Il ne peut y avoir de négociations tant que Moubarak ne part pas», estime Essam Magdi, un manifestant, juriste de 35 ans.

Déterminés à faire tomber le régime, plusieurs centaines de manifestants étaient assis devant le Parlement au Caire, non loin de la place Tahrir, pour en bloquer l'entrée. Le Parlement, dominé par le Parti national démocrate (PND) de M. Moubarak, était protégé par des blindés.

«Le peuple n'a pas élu ce Parlement», a affirmé Mohammed Sobhi, un étudiant de 19 ans. «Nous voulons la chute du régime tout entier, pas seulement du président, parce que tout est corrompu en-dessous de lui», a-t-il ajouté.

Mardi, des centaines de milliers de manifestants se sont rassemblés sur la place où, selon des photographes de l'AFP, leur nombre a dépassé celui des rassemblements précédents. Un rassemblement a également eu lieu à Alexandrie (nord).

Dans une tentative d'apaisement, M. Moubarak, 82 ans et presque 30 ans à la tête de l'État, a annoncé la création d'une commission pour amender la Constitution.

L'opposition conteste notamment les articles de la Constitution liés aux conditions très restrictives de candidature à la présidentielle et au mandat présidentiel.

Mais ces mesures politiques - dont l'annonce le 1er février du président qu'il ne briguerait pas un sixième mandat en septembre - n'ont pas entamé la détermination des opposants à voir M. Moubarak quitter immédiatement le pouvoir.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, l'Égyptien Amr Moussa, a estimé dans une interview au quotidien français Le Monde que le risque, craint par l'Occident de l'émergence d'une Égypte islamiste, «n'existe pas» et que la «révolution» dans son pays ne va pas faiblir.

Mardi, le vice-président Omar Souleimane a assuré que le président était «en faveur d'une véritable passation du pouvoir».

Mais, a-t-il ajouté, «il n'y aura ni la fin du régime, ni un coup d'État, car cela signifierait le chaos».

Le même jour, la foule de Tahrir a réservé un accueil triomphal au cybermilitant et cadre de Google, Wael Ghonim, libéré lundi après 12 jours aux mains des très redoutés services de sécurité d'État.

Les États-Unis ont souhaité des réformes «irréversibles» dans le cadre de la transition politique, tandis que la France a appelé à «l'émergence des forces démocratiques» pour une transition qui doit se dérouler «sans violence et aussi rapidement que possible».

M. Souleimane a rejeté les «ingérences étrangères» dans les affaires de l'Égypte, sans nommer un pays en particulier, soulignant qu'elles étaient «plutôt une invitation à davantage de chaos».

Au Caire, la plupart des commerces ont rouvert. Le couvre-feu reste en vigueur dans la capitale, à Alexandrie (nord) et Suez (est) de 20 h (18 h GMT) à 6 h (4 h GMT).

Par ailleurs, les services d'immigration égyptiens ont reçu la consigne de ne pas laisser entrer les Palestiniens dans le pays, a indiqué à l'AFP un de leurs responsables, en précisant que douze Palestiniens avaient été renvoyés après avoir atterri à l'aéroport du Caire.

Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme.

Des heurts entre policiers et manifestants pendant les premiers jours de la contestation, puis entre militants favorables et opposés à Hosni Moubarak le 2 février ont fait près de 300 morts, selon l'ONU et Human Rights Watch, ainsi que des milliers de blessés.

La crise risque de coûter cher à l'économie du pays le plus peuplé du Moyen-Orient, l'instabilité ayant fait fuir les touristes et pourrait refroidir durablement l'ardeur des investisseurs étrangers.

En France, la crise égyptienne a touché par ricochet le Premier ministre François Fillon qui a reconnu mardi avoir été «invité» par le régime égyptien et avoir profité sur place de l'hébergement, d'un avion pour un trajet Assouan-Abou Simbel et d'un bateau pour une sortie sur le Nil. Le président Nicolas Sarkozy a rappelé ses ministres à l'ordre mercredi.