Une semaine après avoir écarté les derniers caciques du régime Ben Ali, le gouvernement tunisien fort du soutien international, poursuit la purge des administrations et entreprises, un oeil rivé sur la situation sociale.

Jeudi la tendance était à la reprise des activités à Tunis et dans le pays, répondant apparemment à l'appel lancé mercredi soir du Premier ministre Mohammed Ghannouchi après les «flottements des derniers jours».

«Ce gouvernement vous invite à préserver son indépendance en reprenant le travail, sinon le pays risque de s'écrouler», avait-il martelé, évoquant des «milliers de postes menacés par le désordre» qui a paralysé divers secteurs depuis la fuite du président Ben Ali, le 14 janvier.

Après avoir nettoyé la police héritée du président déchu, le gouvernement a poursuivi la purge dans les grandes entreprises et dans les régions.

Les gouverneurs des 24 provinces du pays ont été limogés et remplacés par des technocrates inconnus du grand public. Le tour du corps diplomatique pourrait venir, avec une «liste en préparation», selon une source des affaires étrangères tunisiennes.

Conscient de la grogne à l'intérieur du pays, M. Ghannouchi a promis mercredi des programmes spéciaux d'aide et d'investissements pour les régions défavorisées du centre-ouest, bastion du soulèvement qui a emporté le régime Ben Ali.

La ville de «Kasserine a payé un lourd tribut à la révolution, a donné son sang et ce sang versé n'est pas reconnu par le gouvernement. Kasserine doit avoir sa place dans le nouvel État démocratique ou alors la colère des habitants risque d'être ravivée», avertissait jeudi à l'AFP Mohamed Rhimi, un avocat de cette ville.

«Il y a de la souffrance et de la rancoeur qui peuvent faire sauter le couvercle, car les gens ont un sentiment très fort de spoliation. Mais nous avons une grande chance: l'État n'est pas disloqué», estime de son côté jeudi dans le quotidien français Le Monde le ministre tunisien du développement régional Néjib Chebbi.

La presse tunisienne saluait jeudi matin ce «premier ancrage dans les régions», le quotidien La Presse parlant «d'hommes nouveaux pour mettre en oeuvre des politiques nouvelles».

Parallèlement les contacts entre Tunis et ses partenaires, surtout européens, se multiplient.

Une délégation de 25 députés du Parlement européen devait commencer jeudi une mission de quatre jours conduite par l'Espagnol Jose Ignacio Salafranca.

«L'UE doit envisager de revoir profondément sa politique de voisinage en Méditerranée», a-t-il déclaré lors d'un débat avec la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, elle-même attendu en Tunisie dans une quinzaine de jours.

«Nous attendons que Paris use de son influence au sein de l'UE pour pousser à une accélération, faire progresser rapidement le dossier sur le statut avancé de la Tunisie», ajoutait jeudi à l'AFP une source proche du ministère tunisien des Affaires étrangères.

Après une halte mercredi à Bruxelles le nouveau chef de la diplomatie, Ahmed Abderraouf Ounaïs, sera vendredi à Paris pour un déjeuner avec son homologue Michèle Alliot-Marie, au centre d'une «tempête tunisienne». Une affaire «close» selon le gouvernement français.

Mme Ashton avait confirmé à M. Ounaïs la détermination de l'UE à revoir à la hausse le niveau de ses relations avec la Tunisie, en citant notamment l'éventualité de l'octroi d'un «statut avancé» qui offre des tarifs douaniers privilégiés sur le marché européen.

Une mission préparatoire d'experts européens doit également se rendre en Tunisie prochainement pour aider à la préparation des premières élections de l'après-Ben Ali dans six mois.

Enfin une délégation du parti socialiste français étaient attendue jeudi à Tunis manifester son «soutien au processus démocratique».