«Regardez cet homme et voyez comment l'islam a atteint le Canada. Mais vous, en Algérie, vous ne nous soutenez pas.»

Debout, dans la chaleur d'In Amenas, Lamine Bencheneb, l'un des bras droits du mystérieux chef islamiste borgne Mokhtar Belmokhtar, harangue des travailleurs algériens pris en otages sur le site gazier algérien. Il leur montre en exemple ce mystérieux homme présumé canadien, seul ou rare «Occidental» parmi les 32 mercenaires djihadistes du groupuscule les Signataires par le sang.

À moins qu'il ne s'agisse d'un exercice de propagande, le Canadien en question était blond, barbu et parlait avec un accent nord-américain, selon ce que d'ex-otages ont raconté cette semaine au Wall Street Journal. Or, Le Monde a révélé hier que l'artificier du groupe était un Canadien d'origine tchétchène, ce qui viendrait renforcer cette thèse puisque l'on recense de nombreux Tchétchènes blonds aux yeux verts ou bleus.

Le ministère des Affaires étrangères s'est refusé à commenter ces nouvelles informations, pour des raisons «opérationnelles».

Documents canadiens

Rappelons que, peu après l'attaque, le premier ministre algérien a révélé la présence de deux Canadiens au sein du commando, dont l'un serait connu sous le nom ou pseudonyme de Cheddad ou Shaddad, en se basant sur la découverte sur deux corps de documents qui attesteraient leur citoyenneté canadienne.

Bien que non encore confirmée, cette piste canadienne stresse les autorités américaines, selon ce qu'a confié un haut responsable des services de renseignement américains à l'agence Reuters. De ce côté-ci de la frontière, on note dans plusieurs rapports du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) obtenus par La Presse la même inquiétude devant le phénomène grandissant et complexe de la radicalisation («extrémisme islamique d'origine intérieure»), auquel il faut ajouter les dizaines de cas documentés de Canadiens qui se sont joints à des foyers du djihad mondial, en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie, au Yémen, au Daghestan, etc., mais aussi désormais au Sahel pour combattre et acquérir une formation paramilitaire.

La vérité se trouve à l'Institut national de criminologie de la police scientifique algérienne, où l'on a déjà identifié les trois quarts des djihadistes tués. Deux des trois capturés vivants seraient algériens et le troisième, tunisien. Ce dernier a révélé lors de son interrogatoire qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) frapperait bientôt la Tunisie.

En attendant, c'est une véritable chape de plomb qui recouvre depuis deux semaines l'enquête sur cette éventuelle filière canadienne dans l'attaque terroriste d'In Amenas.

Black-out en Algérie, même si 150 journalistes ont été conduits jeudi sur les lieux de l'attaque, mais aussi au Canada.

Tandis qu'aux Affaires étrangères on dit «explorer toutes les avenues possibles pour obtenir d'autres renseignements», c'est le mutisme à la GRC, qui aurait dépêché des enquêteurs à Alger, et au SCRS, qui soit a aussi déjà un agent sur place, soit échange certainement des informations avec son homologue local, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS). L'Algérie est réputée favoriser l'échange d'informations par agences de renseignement interposées, non par les canaux diplomatiques.