«Tout à coup, les explosions. Ils ont cassé les portes tout en criant : on ne cherche que les expatriés!» Les premiers témoignages des rescapés de la prise d'otages en Algérie permettent d'ébaucher le récit d'événements au déroulement encore confus.

«On s'apprêtait à sortir de nos chambres», a dit sur France Info un ingénieur algérien, qui estime que la prise d'otages a commencé mercredi matin vers 5h30, 5h45 : «C'était l'heure du changement des équipes», sur le site gazier d'In Aménas, à 1300 km au sud-est d'Alger.

«Tout à coup, il y a eu les coups de feu, les explosions. On n'a rien compris, l'alarme s'est déclenchée», a poursuivi cet homme à la voix jeune, qui a gardé l'anonymat.

«Juste après, ils nous ont plongés dans le noir, ils ont réussi à couper l'électricité, ils ont pris possession de la base, ils sont entrés dans les chambres, ils ont cassé les portes tout en criant : on ne cherche que les expatriés, les Algériens, vous pouvez partir!», selon ce témoin, qui a été joint par téléphone.

«Ils ont récupéré les "expats", ils les ont encerclés, ils les ont attachés. Ils se sont regroupés du côté du restaurant», a poursuivi l'ingénieur.

Outre les centaines de travailleurs algériens, des Américains, des Britanniques, des Japonais, des Français, un Irlandais, des Norvégiens et des Philippins figuraient parmi les otages.

Les ravisseurs avaient «des accents qui paraissaient libyens, algériens», selon cet ingénieur.

«Je peux vous assurer que les gens qu'on a vus, qui nous ont laissés partir, n'étaient pas des Noirs, mais de type maghrébin, normal. Ils étaient super bien armés, très à l'aise, 30-35 ans. On a entendu des tirs d'armements lourds», a-t-il poursuivi, évoquant des ravisseurs «munis de bombes».

Des otages comme boucliers

Un autre témoin algérien affirme avoir vu «deux terroristes juste devant la porte, bien armés, barbus, en tenue afghane, l'un avec l'accent qui n'était pas algérien».

D'après cet autre salarié algérien sur la base, les «rafales de balles» mercredi matin ont «duré plus de deux heures et demie. C'était les terroristes qui ont envahi la base».

«Quand ils ont vu que l'armée algérienne a pris position, ils ont séparé les otages, les "expats" d'une part; les Algériens, ils les ont emmenés dans le foyer», selon ce témoignage également anonyme.

Lors de cette opération militaire, les ravisseurs ont pris la fuite, selon lui. «Maintenant, on est sans nouvelles de nos collègues expats qui travaillent avec nous. C'est eux qu'ils ont pris pour boucliers.»

«Je suis resté caché pendant presque 40 heures dans ma chambre», a raconté à la radio Europe 1 un Français, Alexandre Berceaux, salarié de la société française CIS Catering.

«J'étais sous le lit, j'ai mis des planches un peu partout, au cas où. J'avais un peu de nourriture, un peu à boire, je ne savais pas combien de temps cela allait durer», a ajouté le ressortissant français, qui pense avoir été sauvé par des militaires algériens.

«Il y a des terroristes qui sont morts, des expatriés, des locaux», a-t-il assuré.

«Ça tirait beaucoup par séquences, cela dépendait», a-t-il témoigné sur l'assaut des forces algériennes.

«On a d'abord trouvé trois Anglais qui étaient cachés dans le faux plafond, plus cette personne blessée, partie directement à l'hôpital, a-t-il ajouté. Je pense qu'il y a encore des personnes cachées. Là, ils sont en train de faire les comptes.»

«Personne ne s'y attendait. Le site était protégé. Il y a des forces militaires sur place», a-t-il encore dit.

L'opération des forces spéciales algériennes était toujours en cours vendredi autour du complexe gazier, où restent retranchés des assaillants islamistes.