Les députés irakiens ont finalement élu mardi le chef du Parlement, ouvrant la voie à la formation d'un nouveau gouvernement considéré comme crucial pour faire face à l'offensive jihadiste qui menace le pays de partition.

Dans le même temps, les forces armées ont dû se retirer de Tikrit après l'échec de leur nouvelle contre-offensive contre les insurgés sunnites menés par les jihadistes de l'État islamique (EI) dans cette ville du nord, mais elles sont parvenues à chasser ces derniers d'une cité située à 80 km de Bagdad.

Après plusieurs reports causés par de profondes divisions politiques, les députés ont élu Salim al-Joubouri président du Parlement, un poste traditionnellement occupé par un Arabe sunnite, alors que ceux du président de la République et du premier ministre sont réservés respectivement à un Kurde et un Arabe chiite. M. Joubouri a remporté 194 des 273 votes.

Le 1er juillet, la première séance du Parlement, issu des élections du 30 avril, s'était conclue dans le désordre le plus total, des députés s'invectivant ou quittant la salle, puis deux réunions avaient été reportées, faute d'accord.

Plusieurs capitales étrangères, l'ONU ou encore le grand ayatollah Ali al-Sistani, plus important dignitaire chiite d'Irak, ont mis en garde contre le «chaos» si les députés ne parvenaient pas à surmonter leurs divisions.

Prochaine session le 23 juillet

Les États-Unis ont salué l'élection du chef du Parlement, «première étape» vers la formation d'un gouvernement qui doit prendre en compte «les droits et les inquiétudes légitimes de toutes les communautés» en cette période de «menace existentielle» pour l'Irak.

L'émissaire de l'ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov, s'est lui aussi félicité «d'une étape importante pour relancer le processus démocratique».

Le nouveau gouvernement aura la lourde tâche de sortir le pays de sa plus grave crise avec une offensive lancée le 9 juin par l'EI, aidé par des partisans de l'ex-président Saddam Hussein et des tribus hostiles au pouvoir, qui a conquis de larges pans du territoire irakien dans le nord, l'est et l'ouest.

Les députés doivent désormais élire le président de la République, à qui il reviendra de désigner un premier ministre, choisi au sein du bloc du chef du gouvernement sortant Nouri al-Maliki, arrivé en tête des élections.

Mais M. Maliki, au pouvoir depuis huit ans et critiqué de toutes parts pour son autoritarisme et sa marginalisation de la minorité sunnite, a déjà prévenu qu'il n'entendait pas céder la place. De plus, aucune figure à même de rassembler davantage n'a émergé pour le moment.

M. Joubouri a déclaré que les candidats pour le poste de président de la République avaient trois jours, à partir de mercredi, pour se déclarer, et annoncé pour le 23 juillet la prochaine session du Parlement.

Rare succès de l'armée

Sur le terrain, les forces de sécurité ont relancé leur contre-offensive pour reprendre Tikrit (160 km au nord de Bagdad), après une première tentative il y a deux semaines. Elles sont parvenues à prendre le contrôle du sud de la ville avant de s'en retirer après de durs combats, selon des officiers et des témoins.

«Les forces irakiennes se sont retirées à la tombée de la nuit, de façon à ne pas s'exposer à des pertes» et devront lancer une nouvelle attaque plus tard, a dit un officier.

Dans un très rare succès, les soldats, soutenus par des tribus, ont réussi à chasser les insurgés de Dhoulouiyah (80 km au nord de Bagdad) après plusieurs jours de combats, selon des sources tribales et de sécurité.

Pour Jessica Lewis, de l'Institute for the Study of War, la prise totale de Dhoulouiyah par les insurgés pourrait servir à lancer des attaques contre d'importantes bases militaires dont la neutralisation «compromettra la défense de Bagdad à partir du nord».

Les violences, dont deux attaques à la voiture piégée à Bagdad, ont en outre frappé d'autres secteurs du pays faisant 27 morts.

Le début de l'offensive jihadiste a été marqué par la débandade de l'armée qui a cherché ensuite à se ressaisir, sans néanmoins parvenir à reconquérir des territoires. Pour aider Bagdad, les États-Unis ont déployé quelque 220 conseillers militaires.

L'EI, accusé de nombreuses atrocités, a proclamé fin juin un califat islamique sur les territoires qu'il contrôle, du nord de la Syrie en guerre à l'est de l'Irak. Son offensive en Irak a fait des centaines de morts et déplacé des centaines de milliers d'Irakiens.