Le Parlement irakien a levé mardi sa séance dans le désordre général sans enclencher le processus de formation d'un gouvernement pourtant nécessaire face à l'offensive djihadiste qui menace le pays d'éclatement.

La séance a été émaillée d'invectives et de récriminations notamment à l'encontre du premier ministre sortant Nouri al-Maliki, dont les chances de briguer un troisième mandat s'amenuisent devant l'avancée des insurgés - menés par les djihadistes sunnites de l'État islamique (EI) - et l'échec de l'armée à la contenir.

Pour amorcer le processus de mise en place d'un gouvernement, les députés doivent, selon la Constitution, commencer par élire le président du Parlement.

Le chaos ayant régné durant la séance du nouveau Parlement, issu du scrutin du 30 avril, illustre les profondes divisions qui minent le pays. La dernière déclaration du président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, accentue d'ailleurs les craintes de partition, ce dernier ayant souhaité mardi l'organisation d'un référendum d'indépendance.

«Écraser vos têtes»

Durant la séance, la parlementaire kurde Najiba Najib a réclamé au gouvernement Maliki de transférer les fonds dus au Kurdistan.

Ce à quoi Kazem al-Sayadi, un député du bloc de M. Maliki, a riposté : «Massoud Barzani est un traître et un agent. Vous exportez le pétrole en Israël et vous mettez en berne le drapeau national. Nous allons écraser vos têtes et nous allons vous montrer ce que nous ferons une fois la crise finie.»

Pour leur part, des députés sunnites ont quitté la salle lorsque le nom de l'EI a été mentionné. La situation devenant chaotique, la séance a été levée.

L'envoyé de l'ONU Nickolay Mladenov a dénoncé l'attitude des parlementaires, affirmant que «les politiciens en Irak devaient réaliser que (le pays) n'était plus dans une situation normale».

Appelant à l'élection du président du Parlement le 8 juillet, lors de sa prochaine séance, M. Mladenov a affirmé que «tout retard par rapport aux délais fixés par la Constitution se fera au détriment de l'intégrité du pays».

Après cette élection, les députés doivent élire un président de la République, qui devra à son tour choisir le candidat du bloc parlementaire arrivé en tête des législatives pour former un gouvernement.

C'est le bloc de M. Maliki qui a remporté le scrutin, mais selon un diplomate occidental, même au sein de sa coalition chiite, on discute de l'opportunité de le remplacer.

M. Maliki, au pouvoir depuis 2006, est notamment accusé de concentrer le pouvoir et de marginaliser les sunnites.

Ainsi, si les régions sunnites n'ont pas accueilli à bras ouverts les insurgés, elles n'ont pas non plus apporté leur soutien à l'armée qui a été incapable d'enrayer la progression des djihadistes aux premiers jours de leur offensive lancée le 9 juin.

Les djihadistes de l'EI ont proclamé dimanche un «califat» sur les territoires conquis entre Alep dans le nord de la Syrie voisine et la province de Diyala dans l'Est irakien. Et leur chef a appelé mardi les musulmans disposant de compétences professionnelles à rejoindre le «califat».

Entre-temps, ils ont pris le contrôle total de Boukamal, une ville syrienne stratégique à la frontière avec l'Irak, après une bataille féroce de trois jours avec les rebelles, selon une ONG syrienne.

En Irak, après leur débandade, les forces gouvernementales tentent de relever la tête face aux djihadistes qui bénéficient du soutien de tribus et d'anciens soldats aguerris de Saddam Hussein, chassés de l'armée après l'invasion américaine de 2003.

L'armée, qui mène depuis samedi sa première importante contre-offensive, tente de reprendre Tikrit (nord) aux insurgés. Des milliers de soldats, appuyés par des chars et l'aviation, encerclent la ville.

Les forces de sécurité ont perdu près de 900 hommes en juin dans des violences qui au total ont fait 2400 morts selon l'ONU, un bilan mensuel jamais vu depuis plusieurs années.

Enfants-soldats

L'offensive djihadiste a également «créé une situation extrêmement dangereuse et précaire pour les enfants», selon Leila Zerrougui, représentante spéciale de l'ONU pour les enfants et les conflits armés, qui fait état «d'informations inquiétantes» sur le recrutement d'enfants-soldats et d'autres exactions.

Pour aider Bagdad, Moscou a livré dix avions Sukhoi, tandis que Washington a déployé près de 800 hommes - 300 conseillers militaires et près de 500 soldats pour protéger l'ambassade et l'aéroport de Bagdad.

Les États-Unis, dont les troupes ont quitté l'Irak en 2011, ont promis 36 chasseurs-bombardiers F-16. Mais cette livraison pourrait être retardée en raison des combats, selon le Pentagone.

L'Iran a indiqué de son côté qu'il n'enverrait pas de soldats, mais pourrait livrer des armes à Bagdad s'il le lui demandait.

Les djihadistes, qui contrôlaient depuis janvier des régions de la province d'Al-Anbar (ouest), ont mis la main durant leur offensive sur Mossoul et une grande partie de sa province Ninive (nord), ainsi que des secteurs des provinces de Diyala (est), Salaheddine (nord) et Kirkouk (ouest).