Les jihadistes sunnites ont pris d'assaut mercredi la principale raffinerie d'Irak au 9e jour d'une offensive leur ayant permis de conquérir plusieurs régions mais Bagdad a promis de vaincre les «terroristes», demandant «officiellement» des frappes aériennes américaines contre les insurgés.

Le premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, a affirmé que les forces gouvernementales tentaient désormais de stopper l'avancée des jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), après leur déroute aux premiers jours de l'offensive lancée le 9 juin.

Et pour ce faire, le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, a annoncé que son pays avait «officiellement» demandé aux États-Unis des frappes aériennes contre les jihadistes.

Le président Barack Obama poursuivait ses consultations et n'exclut aucune option à l'exception des troupes au sol. «Le gouvernement irakien a demandé de l'aide, c'est incontestablement une différence qu'il faut relever», a souligné le porte-parole de l'exécutif américain, Jay Carney.

De son côté, l'Iran, puissance régionale chiite qui appuie le cabinet Maliki a conditionné une éventuelle coopération avec les États-Unis en Irak à la réussite des pourparlers nucléaires.

Dans l'autre camp, l'Arabie saoudite, poids lourd sunnite qui accuse M. Maliki d'avoir conduit l'Irak au bord du gouffre, a mis en garde contre une «guerre civile» qui déstabiliserait «la région tout entière» et les Émirats ont rappelé leur ambassadeur dénonçant la politique «confessionnelle» de Bagdad.

Cesser les campagnes médiatiques

S'exprimant en marge d'une réunion en Arabie saoudite, le ministre irakien Zebari a dit avoir demandé aux dirigeants saoudiens de faire «cesser les campagnes médiatiques d'incitation (...) d'autant que certaines fatwas (de religieux saoudiens) présentent ce qui se passe en Irak comme une révolution».

Les insurgés de l'EIIL ont lancé à l'aube un assaut contre la raffinerie de Baïji, à 200 km au nord de Bagdad, selon le porte-parole des forces armées.

Mais les forces gouvernementales leur faisaient face et les combats ont tué 40 insurgés, selon le général Qassem Atta, porte-parole de M. Maliki sur la sécurité.

Et plusieurs réservoirs de produits raffinés ont pris feu durant les combats dans la raffinerie, qui a été fermée et des employés évacués mardi.

«L'attaque contre la principale raffinerie de Baïji peut constituer une source de pétrole pour l'EIIL (...) Mais elle ne fournit pas de pétrole hors d'Irak et l'impact de l'attaque est probablement moindre que ce que l'on craint», estime Rebecca O'Keeffe, de la maison de courtage Interactive Investor.

Depuis le 9 juin, les combattants de l'EIIL, appuyés par des partisans du régime de Saddam Hussein, renversé par l'invasion américaine de 2003, ont pris le contrôle de la deuxième ville d'Irak, Mossoul, d'une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord).

Mercredi, les jihadistes se sont également emparés de trois villages du Nord.

Bagdad infranchissable

Tentant de reprendre l'initiative, les forces armées ont annoncé leur intention de reconquérir totalement «dans les prochaines heures» de Tal Afar (nord-ouest), ville chiite proche de la frontière syrienne, contrôlée en partie par les insurgés, et puis Mossoul.

Mardi, l'armée avait repoussé les insurgés à Baqouba (60 km au nord-est de Bagdad).

«Bagdad est infranchissable», a assuré mercredi M. Zebari, tout en admettant que «la situation reste très grave».

«L'option militaire est insuffisante et nous convenons de la nécessité de parvenir à des solutions politiques radicales», a-t-il ajouté, citant notamment «la formation d'un nouveau gouvernement, représentatif de tous, sans distinction ou marginalisation».

Mais M. Zebari a appelé au «soutien des pays arabes et du monde pour contrer l'offensive» de l'EIIL car «le risque d'un démembrement de l'Irak existe».

«Si l'Irak tombe sous la coupe des groupes terroristes, ni l'Arabie saoudite, ni les (autres) pays du Golfe ne seront à l'abri des agissements maléfiques de ces groupes», a-t-il prévenu.

«Nous ferons face au terrorisme et mettrons en échec le complot», a assuré dans un discours télévisé M. Maliki. «Un revers n'est pas une défaite», a-t-il dit.

Le gouvernement Maliki, au pouvoir depuis 2006, est miné par les divisions et confronté à des violences meurtrières alimentées par le mécontentement de la minorité sunnite qui s'estime marginalisée et la guerre en Syrie voisine où l'EIIL est aussi actif.

Dans la province de Ninive, une quarantaine de ressortissants indiens travaillant sur des chantiers de construction ont été enlevés dans la région de Mossoul, où 80 ressortissants turcs sont retenus par les jihadistes depuis la semaine dernière.

Pour l'ensemble des experts, les développements actuels trouvent leur origine dans l'invasion américaine de 2003 mais aussi dans la politique confessionnelle de M. Maliki.

«Les Américains ont démantelé les institutions mais Maliki entrera dans l'Histoire comme celui qui a perdu des pans de l'Irak», souligne l'analyste Ruba Husari.