Quand Barack Obama a prononcé son «Que Dieu me vienne en aide», les derniers mots du serment présidentiel, Barbara McCarroll a étreint très fort son petit-fils Jeffrey. Puis, elle a pleuré.

La dame de 67 ans avait roulé pendant 10 heures de son Alabama natal pour se pointer dès 5h30, hier matin, sur l'esplanade de trois kilomètres qui se déploie devant le Capitole.

Une décision de dernière minute, prise devant l'insistance de Jeffrey, 7 ans, qui voulait absolument voir «le premier président noir entrer dans la Maison-Blanche».

Barbara, son mari Joseph et le petit Jeffrey ont donc fait du sur-place pendant six heures, par un temps infiniment plus froid que les températures auxquelles ils sont habitués dans le Sud. À plusieurs reprises, ils ont eu envie d'aller retrouver leur autobus. Mais Jeffrey tenait bon. «S'il peut attendre, nous pouvons attendre aussi», se sont dit ses grands-parents.

Dès que l'écran géant a commencé à transmettre les images des dignitaires qui arrivaient à la cérémonie d'investiture, Barbara a perdu tous ses doutes. Elle agitait son drapeau en signe d'enthousiasme en voyant Bill Clinton, Michelle Obama et bien sûr, le nouveau président. Puis, avec la foule, elle a longuement hué George W. Bush.

Dans notre coin du Mall, les visages à la peau sombre étaient nettement plus nombreux que les blancs. Derrière Barbara, une jeune femme criait: «Oh mon Dieu, je n'en peux plus, je n'ai pas de mots pour dire ce que je ressens!»

«Obama, Obama», a scandé la foule. Puis, tous se sont tus pour suivre la prestation de serment dans un silence quasi religieux.

Au moment où Barack Hussein Obama a officiellement accédé à la présidence, ils étaient plusieurs à s'embrasser et à essuyer leurs larmes.

Chacun était venu avec ses raisons et son passé. Jackie, originaire du Mississippi, avait l'impression de vivre «le moment le plus important qu'un Afro-Américain ne pourra jamais connaître, surtout s'il vient du Sud».

«Moi, je suis les yeux de mes ancêtres», a simplement résumé Chevin Stone, enseignante dans une école à 99 % noire de Gary, en Indiana.

Rebâtir le pays

Pour Barbara, ce moment avait une signification particulière. Originaire de Birmingham, Barbara avait 19 ans le jour où le Ku Klux Klan y a dynamité une église, tuant quatre fillettes.

Cet incident survenu en septembre 1963 constitue l'une des charnières de la lutte pour l'égalité. Quand dans son discours, Barack Obama a dit «Nous sommes tous libres et égaux», Barbara a applaudi de toutes ses forces.

Mais pour elle, comme pour d'autres, l'entrée en fonction de Barack Obama dépasse la seule affirmation de l'égalité entre les races. «En ces temps difficiles où les gens perdent leur emploi, nous avions besoin de quelqu'un qui sache nous inspirer à rebâtir ce pays!»

Ici, Noirs et Blancs se rejoignaient, dans un optimisme qui dépassait les différences raciales. «Barack Obama a parlé d'assurance médicale, d'éducation, de l'emploi, il va redresser ce pays, il va faire un travail incroyable», croit Mike Hacken, directeur d'un atelier pour handicapés en Iowa.

Il pense que le nouveau président a bien raison de «ne pas raconter d'histoires» et d'avertir que tous devront travailler fort pour changer la situation - une franchise qui a plu à de nombreux spectateurs.

Chaos

Les responsables de la sécurité avaient un gros défi à surmonter hier: faire passer près de 2 millions de personnes par une poignée de points de contrôle donnant accès au Mall.

Le matin comme l'après-midi, il y a eu des scènes chaotiques, des gens qui couraient dans toutes les directions pour se heurter à des rues bloquées.

«Il y a une auto en feu!» a crié quelqu'un qui venait de se cogner le nez sur la barrière de la 3e Rue. «Un tuyau d'eau a éclaté», a suggéré un autre pour expliquer la fermeture du point de contrôle de la 7e. Fausses rumeurs, dans les deux cas.

Les policiers qui gardaient ces entrées ne savaient pas trop où diriger les gens et plusieurs détenteurs de billets sont restés coincés au milieu d'une foule immobile, sans jamais pouvoir rejoindre le Mall.

«J'ai travaillé pour la campagne d'Obama pendant un an et demi, mais je ne veux pas être debout dans une queue au moment où il prête serment. C'est frustrant. Je m'en vais», s'est plainte la documentaliste Aviva Kempner sur le site du Washington Post.

La sortie du Mall n'était pas plus facile et plusieurs rouspétaient contre la désorganisation et les pépins logistiques. Mais il n'y avait personne pour regretter d'avoir vu Barack Obama devenir le 44e président des États-Unis.