Deux guerres. Une économie en lambeaux. Une planète en péril. Un système de santé malade. Les défis que le 44e président des États-Unis aura à relever sont colossaux. Dans son discours de victoire électorale, le 4 novembre, Barack Obama reconnaissait déjà les difficultés à venir. Et minimisait les attentes. Rarement avait-on entendu un politicien parler avec autant de franchise. «La route sera longue. Notre montée sera abrupte. Nous n'y arriverons peut-être pas en un an, ou même en un mandat mais, Amérique, je n'ai jamais eu autant d'espoir que ce soir que nous y arriverons.»

Combattre la récession

Certains parlent d'un «nouveau New Deal» : pour combattre la récession, ou du moins la freiner, Barack Obama propose un gigantesque plan de stimulation économique, sous forme d'investissements massifs dans les routes, les ponts, les écoles et les édifices publics.

En injectant rapidement des milliards dans les infrastructures du pays, le nouveau président espère réussir à créer des emplois et, du même coup, à pousser les consommateurs américains à dépenser davantage.

Barack Obama a aussi promis de baisser les impôts de 95% des travailleurs américains. Il envisage également d'étendre la couverture de l'assurance santé et de l'assurance chômage.

Objectif du plan de relance, qui devrait être adopté en février: créer 3 millions d'emplois. Coût: entre 775 milliards et 1000 milliards de dollars.

D'ici à ce que l'économie américaine reprenne du mieux, Barack Obama aura les «poignets liés», selon Raymond Chrétien, ex-ambassadeur canadien à Washington, aujourd'hui conseiller stratégique chez Fasken Martineau.

«Une bonne partie des promesses qu'il a faites devront être mises en veilleuse. Sa grande priorité, c'est de sortir son pays du marasme, d'apaiser les craintes immenses de la classe moyenne, les 10 millions d'Américains qui ont perdu leur maison, les gens qui se retrouvent sans crédit, sans emploi, sans assurance santé.»

Réformer le système de santé

Au fil des ans, plusieurs occupants de la Maison-Blanche ont tenté de soigner un malade chronique: le système de santé. Tous s'y sont cassé les dents.

«Cela a toujours été le Titanic des gouvernements. Hillary Clinton en sait quelque chose, rappelle Jocelyn Coulon, directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix. Elle avait piloté une vaste réforme en 1993-1994, et malheureusement, elle avait échoué.»

La débâcle avait entraîné la chute des démocrates à la Chambre des représentants.

Qu'à cela ne tienne, ces mêmes démocrates font pression sur Barack Obama pour qu'il corrige une injustice qui perdure depuis trop longtemps chez nos voisins du Sud.

Les Américains dépensent deux fois plus que les Canadiens, par habitant, pour financer un système qui laisse pourtant 50 millions d'entre eux sans assurance santé.

Sans promette d'instaurer une couverture médicale universelle, Barack Obama propose d'augmenter cette couverture en réduisant les coûts médicaux et en améliorant la qualité des services.

Il veut aussi rendre la couverture obligatoire pour tous les enfants, une mesure à laquelle George W. Bush a mis son veto à deux reprises l'an dernier.

Le nouveau président espère économiser des milliards de dollars en réduisant la bureaucratie et en informatisant le système.

Mais il devra affronter les lobbies pharmaceutiques et médicaux, qui n'ont pas intérêt à ce que ça change - et qui dépensent d'ailleurs des fortunes pour bloquer toute réforme. Le défi sera assurément titanesque.

Retirer les troupes d'Irak

Cinq mois avant que les premi­ers avions mi­litaires américains ne larguent une pluie de bombes sur Bagdad, en mars 2003, Barack Obama se prononçait contre cette «guerre idiote». Il n'a toujours pas changé d'avis.

Dès son entrée en fonction, le nouveau président commencera à retirer la plupart des 170 000 soldats basés en Irak. Un long processus, qui devrait s'étirer jusqu'à l'été 2010. Il ne devrait alors rester que quelques dizaines de milliers de soldats, en cas de besoin - par exemple pour conduire des frappes contre Al-Qaeda.

«Barack Obama est l'un des rares Américains à s'être prononcés contre cette invasion dès le début. Mais retirer les troupes est un processus long et difficile. Il va vouloir y aller intelligemment, doucement, de façon à ce que l'Irak ne redevienne pas un pays tout à fait ingouvernable», explique Raymond Chrétien.

Bien que son équipe de sécurité nationale soit largement constituée de gens qui soutiennent la guerre, Barack Obama a promis de maintenir de cap, et de mettre fin à cette invasion qui coûte 10 milliards de dollars aux Américains...par mois.

Stabiliser l'Afghanistan

Le retrait de l'Irak permettra à Barack Obama de remplir une seconde promesse : envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan. De 20 000 à 30 000 soldats pourraient y être transférés dès cette année, ce qui doublerait leur nombre sur le terrain.

L'Afghanistan en a malheureusement besoin, estime Raymond Chrétien. «On voit bien que malgré les efforts de l'OTAN, les talibans contrôlent maintenant presque les deux tiers du pays. Il semble y avoir une réserve inépuisable de recrues extrémistes dans les régions frontalières du Pakistan. Le président Hamid Karzaï vit de plus en plus dans une forteresse à Kaboul, dont les faubourgs mêmes sont infiltrés par les talibans.»

Pour éviter que le pays ne sombre complètement dans le chaos, Barack Obama demandera sans doute à ses alliés un effort supplémentaire. Or, le Canada a déjà annoncé son retrait pour 2011. D'où le risque d'un premier froid diplomatique...

«On aime beaucoup le président Obama au Canada, dit Jocelyn Coulon. Mais quand il viendra nous rendre visite en février, il pourrait nous dire qu'il a besoin de nous en Afghanistan. Est-ce qu'on va lui dire non?»

Fermer Guantánamo

Dans les jours suivant sa prestation de serment, Barack Obama donnera l'ordre de fermer Guantánamo. Mais l'ordre ne sera pas suivi d'une fermeture immédiate.

C'est que la tâche est terriblement complexe. «C'est plus difficile que bien des gens ne le réalisent», a avoué M. Obama dimanche.

La prison compte encore 250 détenus, sur les quelque 800 qui y sont passés depuis son ouverture, en 2002. Au mépris des lois américaines, ces «combattants ennemis» y sont incarcérés pour une durée illimitée, sans chef d'inculpation.

Située sur la base militaire de Guantánamo, à Cuba, la prison est devenue le symbole des dérapages de la «guerre contre le terrorisme» lancée par George Bush après les attentats du 11 septembre 2001.

Barack Obama veut fermer la prison «parce que ça ne reflète pas qui nous sommes» et parce qu'il veut «rétablir la bonne réputation des États-Unis dans le monde».

Mais voilà, que faire des prisonniers? Une quinzaine d'entre eux sont de présumés leaders d'Al-Qaeda. D'autres craignent d'être torturés s'ils sont renvoyés dans leur pays d'origine. Ou n'y sont carrément pas les bienvenus.

Pour l'heure, l'équipe d'Obama consulte les plus grands experts sur les questions juridiques, militaires et morales soulevées par Guantánamo. Des questions auxquelles il n'existe pas de réponses simples.

Lutter contre le réchauffement climatique

Les objectifs sont ambitieux: en 2025, le quart de l'électricité américaine proviendra de sources renouvelables; en 2030, la consommation de pétrole aura diminué de 35% ; en 2050, les émissions de CO2 seront réduites de 80% par rapport à leur niveau de 1990.

Pour y arriver, le plan de Barack Obama est tout aussi ambitieux: créer une Bourse du carbone, hausser les prix de l'électricité, investir 150 milliards dans les énergies non polluantes, créer 5 millions d'emplois verts en 10 ans...

«Aux yeux de Barack Obama, on ne peut penser à un véritable recouvrement économique si ce n'est pas fait en encourageant le recours à des énergies non polluantes. Il vise le long terme», se réjouit Louis Balthazar, directeur de l'observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.