Barbu et chevelu, l'auteur présumé des attentats de Boston Dzhokhar Tsarnaev est apparu jeudi en public pour la première fois depuis 17 mois, pour une brève audience tendue, avant son procès qui doit s'ouvrir le 5 janvier.

La tension était palpable au tribunal fédéral de Boston. Une femme a hurlé en russe son soutien à Tsarnaev à la fin de l'audience. Peu avant, une victime des attentats avait rageusement montré sa jambe artificielle à des manifestantes arborant devant le tribunal des pancartes favorables au suspect.

Pull noir, chemise blanche et pantalon gris, barbe et chevelure bouclée indisciplinée, Tsarnaev, 21 ans, carrure frêle, était assis entre ses deux avocates, dans la salle d'audience pleine à craquer.

Attentif, il a répondu calmement aux questions du juge George O'Toole, lui demandant notamment s'il était bien représenté par ses avocats.

«Tout à fait», a-t-il dit.

L'audience technique, durant laquelle le juge a évoqué les fuites à la presse et annoncé la poursuite en privé des discussions sur la sélection du jury, a duré moins d'une demi-heure.

En meilleure santé

Passible de la peine de mort pour le double attentat qui avait endeuillé le marathon de Boston le 15 avril 2013, Tsarnaev, jeune musulman d'origine tchétchène, n'avait pas été revu depuis qu'il avait plaidé non coupable le 10 juillet 2013. Il souffrait alors de graves blessures datant de son arrestation. Jeudi, il semblait en bien meilleure santé.

À la toute fin de l'audience, Elena Teyer, dont le beau-fils, Ibragim Todashev, ami de Tamerlan Tsarnaev, avait été tué lors d'un interrogatoire en mai 2013, a crié en russe «Johar, tu as beaucoup de soutiens, nous prions pour toi, nous savons tous que tu es innocent». «Arrêtez de tuer des gens innocents!», a-t-elle ajouté en anglais avant de devoir quitter la salle.

Les familles des victimes, visage grave, étaient séparées de ces quelques partisans.

Marc Fucarile, amputé après les attentats, marchait avec une canne.

«Et ça, c'est faux»? a-t-il demandé en entrant au tribunal, à deux manifestantes arborant des pancartes mettant en doute l'enquête officielle.

Le double attentat de Boston, le plus grave depuis le 11-Septembre aux États-Unis, avait fait trois morts et 264 blessés, endeuillant un événement sportif extrêmement populaire et relançant les craintes de terrorisme aux États-Unis.

Dzhokhar Tsarnaev est accusé d'avoir fait exploser simultanément avec son frère Tamerlan deux bombes artisanales placées dans des cocottes-minute cachées dans des sacs à dos, près de la ligne d'arrivée du marathon où se trouvaient des milliers de personnes. Tsarnaev est aussi accusé d'avoir tué un policier avec son frère quatre jours après le drame.

Tamerlan Tsarnaev avait été ensuite tué lors d'une confrontation avec la police. Dzhokhar avait été arrêté le 19 avril au soir, caché dans un bateau entreposé au fond d'un jardin, grièvement blessé.

Son procès doit s'ouvrir le 5 janvier avec la sélection des jurés, qui pourrait prendre plusieurs semaines.

Le procès devrait durer de à deux à trois mois.

Tsarnaev est détenu à la prison-hôpital de Fort Devens, à quelque 70 km du tribunal de Boston. Il s'y trouve quasi à l'isolement selon ses avocats, en raison de restrictions particulières imposées en août 2013 par le ministre de la Justice Eric Holder.

Trente chefs d'accusation sont retenus contre lui, dont «utilisation d'une arme de destruction massive ayant causé la mort» et «attentat dans un lieu public ayant causé la mort».

Sur une paroi intérieure du bateau dans lequel il avait été retrouvé en banlieue de Boston, Dzhokhar Tsarnaev, naturalisé américain en 2012, qui était à l'époque étudiant et apparemment bien intégré, avait donné une sorte d'explication aux attentats.

«Le gouvernement américain tue nos civils innocents. Je ne peux pas supporter de voir ce mal rester impuni. Nous, musulmans, sommes un seul corps, vous faites du mal à l'un de nous, vous nous faites du mal à tous.» (...) arrêtez de tuer nos innocents et nous arrêterons», avait écrit Tsarnaev.

Les deux frères, qui semblent avoir agi seuls, avaient préparé leurs bombes à partir d'instructions du magazine en ligne Inspire, publication d'Al-Qaïda, selon les procureurs.

Convaincue de l'innocence des Tsarnaev, Josée Lépine, une retraitée canadienne de 60 ans, était venue jeudi spécialement de Gatineau près d'Ottawa. «Je pense qu'ils ont été piégés», a-t-elle déclaré à l'AFP, accusant le FBI d'avoir «menti».