La diffusion par le FBI des photos de deux suspects dans l'attentat du marathon de Boston montre à quel point la traque qui a eu lieu dans les réseaux sociaux cette semaine est un jeu dangereux.

Tout a commencé lorsque le FBI a lancé un appel à la population, lui demandant de fournir des photos ou des vidéos qui pourraient aider à faire avancer l'enquête. Une récompense de 50 000 $ était offerte. Il n'en fallait pas plus pour que des réseaux sociaux s'emballent et lancent leur propre enquête.

Mercredi soir, le site 4chan - un babillard très prisé des jeunes où l'on affiche des messages et des photos - s'est amusé à analyser des photos des alentours de la ligne d'arrivée du marathon. En étudiant des prises de vues différentes, on a identifié deux hommes vêtus d'un pantalon beige et d'une veste noire portant tous les deux un sac à dos noir.

Où est Charlie?

On pouvait également voir des images du sac à dos noir déchiqueté. Or il ne s'agit pas des individus identifiés par le FBI. En pointant du doigt deux individus qu'on pouvait reconnaître facilement et en interpellant ses utilisateurs de la sorte, comme s'il s'agissait d'un jeu Où est Charlie?, 4chan s'est prêté à un exercice dangereux qui aurait pu avoir de graves conséquences. Rappelons-nous ce qui est arrivé au pauvre gardien de sécurité qu'on a faussement accusé de l'attentat aux Jeux olympiques d'Atlanta. Sa vie a été gâchée à jamais.

Jusqu'ici, la police n'a arrêté personne, et les deux hommes figurant sur les images ne sont pas considérés comme des suspects. Or, on les a presque condamnés publiquement. Le même dérapage a pu être observé sur Reddit, un site social où les gens partagent des liens et des images. Reddit a lancé un appel à tous à ses utilisateurs, leur demandant d'envoyer leurs photos du marathon afin d'essayer d'identifier des suspects.

Quelques heures plus tard, toutefois, ils fermaient la discussion «findbostonbombers» et avisaient leur communauté: «Les deux hommes seraient deux locaux tout à fait innocents.» Reddit a également retiré les photos et les vidéos qui les identifiaient, mais le mal était fait.

Pour un média, faire participer sa «communauté» est à la mode. On fait appel aux lecteurs, on leur demande leur collaboration (cette semaine, le blogue The Lede du New York Times demandait aux gens figurant sur une photo du marathon de s'identifier).

De son côté, le Guardian vient de lancer son application Guardian Witness afin que ses lecteurs lui fournissent sujets, informations et photos.

La pratique a du bon, mais elle comporte des risques. Sans encadrement ni code de déontologie, les risques de dérapages sont nombreux. Les événements des derniers jours en sont un exemple flagrant.