Le polémiste français controversé Dieudonné a suscité les critiques d'avocats en écrivant à Salah Abdeslam, membre des commandos djihadistes qui ont fait 130 morts à Paris en novembre 2015, demandant à le rencontrer pour «comprendre sa profonde révolte».

Le juge d'instruction chargé de l'enquête sur les attentats du 13-Novembre s'est fait communiquer une copie du courrier, datée de fin septembre et postée mi-octobre, et s'est opposé à cette rencontre, selon l'un de ces avocats. L'envoi de cette lettre a été révélé par le quotidien Le Parisien.

Le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et dans la banlieue s'était vu adresser cette lettre de Dieudonné à la prison de Fleury-Mérogis, non loin de la capitale, où il est détenu à l'isolement et muré dans le silence depuis près de deux ans.

«Ce courrier n'a jamais été transmis à Salah Abdeslam», a-t-on précisé à la Direction de l'administration pénitentiaire.

Le courrier des détenus peut être ouvert, lu et transmis ou pas, selon les situations. Il peut être transmis au juge avant ou après sa lecture.

Selon Le Parisien, Dieudonné M'Bala M'Bala affirme au prisonnier le plus surveillé de France qu'il souhaite lui parler dans le cadre d'un projet de livre intitulé «Comment arrêter les attentats en France ?».

«Nous ne voulons pas parler des actes qui vous sont reprochés. Ce qui nous intéresse est de comprendre votre état d'esprit et les raisons qui vous ont poussé à agir», écrit le polémiste, selon le quotidien. «En discutant avec vous, nous espérons mieux comprendre la profonde révolte qui vous habite et à laquelle la société reste sourde».

«C'est un prétexte pour mettre à la charge de la société la responsabilité des attentats terroristes», a réagi auprès de l'AFP Me Gérard Chemla, avocat de parties civiles, qui dénonce «une fascination morbide et extrêmement inquiétante».

«Les victimes sont choquées d'apprendre cette démarche de Dieudonné et préfèreraient qu'Abdeslam leur donne directement à elles des explications», a déclaré à l'AFP Me Géraldine Berger-Stenger, une avocate de l'Association française des victimes du terrorisme (AfVT).

Pour Me Jacques Verdier, conseil de Dieudonné joint par l'AFP, «cette démarche n'est ni une provocation, ni une marque d'empathie. Il ne s'agit en aucun cas d'indigner les victimes, mais d'essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête de ces terroristes».

Dans sa lettre, Dieudonné rappelle à Abdeslam qu'il a été lui-même condamné pour «apologie du terrorisme» pour avoir publié le 11 janvier 2015 sur Facebook «Je me sens Charlie Coulibaly», aux lendemains des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher (17 morts). Le polémiste a été condamné en juin à Paris à deux mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 10 000 euros.

Salah Abdeslam doit apparaître en public pour la première fois depuis son arrestation à l'occasion de son procès à Bruxelles à partir du 5 février.

PHOTO D'ARCHIVES FOURNIE PAR LA POLICE FÉDÉRALE BELGE

Salah Abdeslam