L'audition par la police d'un enfant de huit ans ayant fait l'apologie du terrorisme a suscité une polémique jeudi en France, la ministre de l'Éducation soutenant l'école ayant signalé l'incident, mais une instance musulmane dénonçant l'«hystérie collective».

Au lendemain de la tuerie qui avait décimé la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, les écoles françaises avaient été appelées à observer une minute de silence. Cet enfant avait refusé d'y participer, déclarant à son instituteur: «je suis avec les terroristes».

Des propos que l'enfant a confirmés lors d'une audition mercredi dans un commissariat de police de son quartier à Nice (sud-est), où il a été convoqué avec son père, après un signalement donné par le directeur de l'école.

Leur avocat, Me Sefen Guez Guez, «choqué» par la convocation d'un enfant de cet âge, avait mis le feu aux poudres en tweetant mercredi des extraits de cette audition sur son compte personnel. Le garçonnet aurait dit notamment ne pas connaître la signification du mot «terrorisme».

La ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a pris la défense de l'école qui avait signalé l'affaire à la police. «Non seulement cette équipe a bien fait de se comporter ainsi, mais son travail de suivi, et pédagogique et social, est une oeuvre utile», a-t-elle déclaré jeudi.

«Le rôle pédagogique de l'école n'a pas été mené», a accusé pour sa part l'avocat.

Le directeur de l'école primaire a également déposé une plainte à l'encontre du père pour «intrusion» dans l'établissement et pour «attitude menaçante» envers l'équipe.

Le père de l'enfant a riposté en portant plainte contre le directeur de l'école, qu'il accuse d'avoir tapé la tête du garçon contre un tableau et de l'avoir giflé.

«Un coup de tête»

Devant le commissariat, le père, d'origine maghrébine, a fermement défendu le petit garçon. «Il a répondu sur un coup de tête, il dit qu'il ne sait pas, il s'excuse», a-t-il dit à des chaînes de télévision.

En présence du directeur de l'école, «je me suis tourné vers mon fils», a-t-il expliqué. «Je lui ai dit "mon fils, est-ce que tu sais ce que c'est le terrorisme?". Il m'a dit "non". Je lui ai dit "est-ce qu'on souhaite la mort à des êtres humains." Il m'a dit "non"». Les attentats constituent «un acte de barbares, c'est pas un acte d'islam», a encore dit le père.

Selon la police, l'enfant aurait notamment dit dans l'enceinte de l'école: «il faut tuer les Français», «les musulmans ont bien fait», «les journalistes méritaient leur sort». L'audition n'a pas permis de connaître l'origine de ces propos.

Dans un communiqué, l'Observatoire national contre l'islamophobie, dépendant du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'organe représentatif de l'islam en France, s'est «indigné du traitement infligé à un enfant de huit ans».

«La lutte contre la radicalisation ne doit pas donner lieu à une hystérie collective», a-t-il estimé.

Quelque 200 incidents liés à la minute de silence le 8 janvier ont été rapportés dans les établissements scolaires en France, dont une quarantaine signalés à la police et la justice.

Du 7 au 9 janvier, une série d'attaques à Paris et près de Paris visant le journal satirique Charlie Hebdo, puis une policière municipale et un supermarché casher ont fait 17 morts, les pires attentats depuis un demi-siècle en France.

Les Français ont exprimé leur émotion et leur hommage aux victimes par de multiples actions dont la plus spectaculaire a été une marche contre le terrorisme le 11 janvier, qui a rassemblé sur tout le territoire près de 4 millions de personnes.