Suscitant un front républicain inédit, les attentats de Paris ont rebattu les cartes du jeu politique en France et redonné du lustre à la présidence du socialiste François Hollande, deux ans avant la prochaine course à l'Élysée.

«Il y aura un avant et un après politique, c'est une évidence», résume le politologue Thomas Guénolé.

Abonné aux sondages désastreux, devenu le président français le plus impopulaire, François Hollande a soudain vu, après les attentats, sa cote de popularité bondir : de 21 points, à 40 % d'opinions favorables, selon une enquête de l'IFOP publiée lundi.

Son premier ministre Manuel Valls a, quant à lui, gagné 17 points, à 61 %, un record depuis son arrivée à Matignon en avril 2014.

«C'est un phénomène rarissime dans l'histoire des baromètres d'opinion», commente Frédéric Dabi, expert de l'IFOP. «Le seul cas analogue est François Mitterrand gagnant 19 points de satisfaction au moment de la guerre du Golfe entre janvier et mars 1991».

Pour l'exécutif, c'est une embellie incontestable due notamment à un «effet chef de guerre», mais gare «au feu de paille», avertissent les commentateurs.

Le duo à la tête de l'État a «fait ce qu'il devait faire» face à la crise, a salué laconiquement le chef du parti d'opposition de droite UMP Nicolas Sarkozy, qui cherche depuis l'automne ses marques face à celui qui l'a battu à la présidentielle de 2012.

Pour la prochaine élection de 2017, le président Hollande, s'il est candidat, sera jugé, selon les experts, surtout sur sa capacité à résoudre les problèmes quotidiens des Français : chômage, éducation et pouvoir d'achat en tête.

«Si les problèmes domestiques reviennent au premier plan, ça ne va pas manquer, il va y avoir un tassement», prédit Philippe Braud, spécialiste de sociologie politique.

«Plus de droite, plus de gauche»

Les attentats contre un journal symbole de la liberté d'expression si chère à la France, contre une jeune policière, contre des juifs, n'en ont pas moins marqué l'échiquier politique.

Extrême droite mise à part, les responsables politiques de toutes tendances ont fait front commun pendant plusieurs jours, dans un mouvement d'«union nationale» inédit en temps de paix, saluant à l'instar de l'ex-premier ministre et candidat à 2017 Alain Juppé «le sang-froid et la détermination» de l'exécutif.

Les manifestations qui ont réuni près de 4 millions de personnes et 50 dirigeants étrangers le 11 janvier dans toute la France, la Marseillaise entonnée en choeur par députés et ministres mardi lors d'une séance d'hommage aux victimes, l'ovation qui a suivi un discours enflammé de Manuel Valls, resteront des moments forts dans l'imaginaire collectif.

«Il n'y avait plus de droite, plus de gauche», a relevé dimanche Bruno Le Maire, figure montante de l'UMP.

La gauche appelle à faire durer cet «esprit du 11 janvier». La droite, contrainte de mettre en sourdine ses divergences, aspire surtout à reprendre le fil du débat politique.

«Aujourd'hui plus qu'hier, nous ne devons pas laisser la pensée unique imposer sa chape de plomb sur des débats qu'il va falloir affronter», a lancé samedi Nicolas Sarkozy.

Le patron de l'UMP, brièvement ridiculisé sur l'internet pour avoir joué des coudes afin de se faufiler au premier rang de la marche républicaine, s'est retrouvé ces derniers jours dans une situation inconfortable.

Revenu en politique avec la ferme intention d'affronter François Hollande en 2017, sa stratégie d'opposition frontale «est empêchée par le climat d'unité nationale. Son intérêt objectif est d'y mettre fin le plus vite possible», observe Thomas Guénolé.

Quant à Marine Le Pen, présidente du parti d'extrême droite Front national, elle «ronge son frein», titrait lundi le journal de gauche Libération.

Non désirée à la manifestation du 11 janvier, elle a échoué à obtenir le «brevet de républicanisme» qu'elle espérait, estime Thomas Guénolé. Mais «sa position de parti anti-système sort vraiment renforcée de ces événements», nuance-t-il.

Pour Philippe Braud, «ces attentats ont aggravé un sentiment antimusulman», mais cela n'aboutira pas à un «raz-de-marée Front national», notamment aux élections départementales prévues dans deux mois, où les notables installés ont traditionnellement l'avantage.