La traque des auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo s'est achevée dans le sang vendredi: les deux frères Kouachi et un acolyte, Amedy Coulibaly, proches d'Al-Qaïda et du groupe État islamique, ont été tués, ainsi que quatre otages dans un supermarché juif de la capitale.

Depuis l'attaque contre le journal satirique mercredi, qui a bouleversé le monde, le bilan est de 20 morts dont les trois assaillants, un chiffre sans précédent pour des actes terroristes en France depuis au moins un demi-siècle.

François Hollande a salué «le courage, la bravoure, l'efficacité» des forces de l'ordre. Dénonçant la prise d'otages dans le supermarché casher, menée par un proche des Kouachi, comme «un acte antisémite effroyable», il a averti que «la France n'en a pas terminé avec les menaces».

La mort des djihadistes était inévitable, a estimé le premier ministre Manuel Valls, au vu des faits, mais il a reconnu «des failles» dans le renseignement, en raison du nombre des victimes.

Le président a annoncé sa participation à une «marche républicaine» dimanche à Paris, pour laquelle des moyens de sécurité massifs vont être mobilisés. Les chefs de gouvernement britannique David Cameron, allemand Angela Merkel et italien Matteo Renzi y sont annoncés.

Après plusieurs heures de confrontation, policiers et gendarmes d'élite ont donné quasi-simultanément l'assaut à Dammartin-en-Goële, à une quarantaine de kilomètres de la capitale, où les frères Kouachi étaient retranchés dans une  imprimerie, et le magasin casher de l'est parisien, où un homme lourdement armé retenait une quinzaine de personnes.

Chérif et Saïd Kouachi, 32 et 34 ans, ont été tués lorsqu'ils sont sortis du bâtiment en tirant, juste avant 17 heures. Un graphiste de l'imprimerie, «absolument terrorisé» selon le procureur, a réussi à se cacher sous un évier sans se faire repérer, et même à donner «des éléments tactiques» aux enquêteurs. Il est sorti indemne.

Saïd avait légèrement été blessé à la gorge par un tir de riposte de gendarme dans la matinée, selon le procureur.

Hayat Boumeddiene et Amedy Coulibaly

ASSOCIATED PRESS

Cherif Kouachi, gauche, et Said Kouachi.

Cachés dans une chambre froide

À Paris, Amedy Coulibaly, 32 ans, qui était lourdement armé, a été tué et quatre autres corps ont été retrouvés dans le magasin «Hyper Cacher». Ces personnes ont vraisemblablement été tuées dès le début de la prise d'otages, a indiqué le procureur de Paris dans la soirée, précisant que le magasin avait été piégé.

Plusieurs personnes, dont un enfant en bas âge, ont survécu en se cachant dans une chambre froide, de longues heures effroyables.

Des liens «constants et soutenus» ont été établis entre les compagnes de Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly, qui ont échangé «plus de 500 appels en 2014», a précisé le procureur de Paris François Molins.

Amedy Coulibaly, délinquant multirécidiviste déjà condamné dans une affaire d'extrémisme islamiste, avait rencontré Chérif Kouachi en détention, où il s'est radicalisé.

Il est également soupçonné d'être l'auteur d'une fusillade mortelle jeudi matin à Montrouge, près de Paris, tuant une policière municipale et blessant un employé. Le procureur a précisé que son ADN avait été recueilli dans une cagoule laissée sur place.

Dans des appels à BFMTV, Chérif Kouachi a eu le temps de dire qu'il avait été envoyé par Al-Qaïda au Yémen et Amedy Coulibaly s'est revendiqué du groupe Etat islamique (EI, actif en Irak et Syrie) et a dit s'être «synchronisé» avec les Kouachi pour les attaques.

Les deux hommes avaient été impliqués en 2010 dans l'enquête sur une tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA), condamné pour un attentat dans le RER à Paris en 1995. Kouachi avait bénéficié d'un non-lieu. Coulibaly avait été condamné à cinq ans de prison en décembre 2013, peine qu'il a achevé de purger en mai compte tenu des remises de peine.

La compagne de Coulibaly, Hayat Boumeddiene, 26 ans, est toujours recherchée.

Photo AFP

La filière des Buttes-Chaumont

Les frères Kouachi, nés à Paris de parents algériens, étaient traqués depuis leur identification quelques heures après l'attentat contre Charlie Hebdo, qui a fait 12 morts.

Tous deux étaient inscrits «depuis des années» sur la liste noire américaine du terrorisme.

Chérif était bien connu des services français: surnommé Abou Issen, il avait fait partie de la «filière des Buttes-Chaumont» pour envoyer des djihadistes en Irak, où lui-même entendait se rendre en 2005 avant d'être interpellé. Il avait été condamné pour ces faits en 2008 à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis.

Selon plusieurs sources françaises et américaines, Saïd s'était rendu au Yémen en 2011 pour s'entraîner avec Al-Qaïda au maniement des armes. Son frère Chérif a également dit à BFM-TV qu'il s'était rendu dans cette place forte de l'islamisme radical.

Lors de l'attentat contre Charlie Hebdo, régulièrement menacé depuis la publication de caricatures de Mahomet en 2006, les assaillants ont crié «on a vengé le prophète».

Ils ont été salués comme des «héros» par le groupe djihadiste État islamique et les insurgés islamistes somaliens shebab.

Israël a appelé la France à maintenir un niveau de sécurité élevé pour les institutions juives, devant «l'offensive terroriste» en France.

Une très forte émotion a saisi les Français après l'attaque dans laquelle ont notamment trouvé la mort des caricaturistes connus de tous, notamment Wolinski et Cabu.

Après la journée de deuil national jeudi, marquée par le slogan «Je suis Charlie» et une minute de silence qui a figé le pays, dimanche devrait voir une affluence immense aux «marches républicaines» organisées à l'appel des principaux partis et mouvements de tous bords.

Un blessé grave de l'attentat contre «Charlie» reste entre la vie et la mort, a précisé le procureur. Les membres survivants de la rédaction sortiront mercredi un numéro tiré à un million d'exemplaires: «Ce n'est pas la connerie qui va gagner», a promis le chroniqueur Patrick Pelloux.