Quelques milliers de Parisiens ont répondu, jeudi soir, à l'appel de la mairesse de Paris qui les avait invités à se réunir pour une deuxième soirée d'affilée sur la Place de la République, dans le 11e arrondissement de Paris.

Bien qu'ils étaient beaucoup moins nombreux que la veille - la police avait évalué la foule à 35 000 personnes mercredi soir - ils étaient certainement beaucoup plus bruyants.

L'ambiance de recueillement qui avait marqué le premier rassemblement a laissé sa place à des slogans déjà plus revendicateurs, au lendemain de la tuerie qui a fait 12 victimes dans les locaux de Charlie Hebdo.

Le rassemblement avait à peine débuté que déjà une quarantaine de jeunes grimpaient sur le monument à la République. Fougueux, ils ont entonné des slogans pendant plus de quatre heures.

Aux «Charlie n'est pas mort» et «Charlie, on s'appelle» ont suivi les «Plus jamais ça», «On n'a pas peur» et «Pas d'amalgame». Des slogans repris à souhait par la foule souvent très animée. Une foule qui est arrivée sur la Place de la République munie, comme la veille, de pancartes «Je suis Charlie», de stylos et de bougies.

La mairesse de Paris, Anne Hidalgo, l'ancien maire de la capitale Bertrand Delanoë et plusieurs autres élus municipaux ont ensuite afflué vers la Place pour y déposer des lampions.

En entrevue à La Presse Canadienne, Mme Hidalgo a tenu à remercier le maire de Montréal, Denis Coderre. «Il m'a immédiatement appelée et m'a assurée de son soutien», s'est-elle empressée de souligner.

Elle s'est dite très fière de la réaction des Parisiens. «Ils sont dignes. Ils sont là, ils sont mobilisés. Ils savent que le moment est grave.»

Une mobilisation qui témoigne de la force des valeurs républicaines, croit-elle.

«Nous savons que dans notre pays, dans cette ville, nous avons déjà eu des épreuves, a poursuivi Mme Hidalgo. Mais on a toujours su les surmonter parce que nous sommes convaincus que les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité sont des valeurs universelles et qu'il faut les faire vivre.»

Les élus parisiens se réuniront vendredi matin pour faire de Charlie Hebdo un citoyen d'honneur de la Ville de Paris.

«C'est une façon de dire que les valeurs de Charlie Hebdo, cette liberté qu'ils ont prise (...) doit être protégée et que ça fait intimement partie des valeurs de Paris», a expliqué la mairesse.

Autour d'elle, des milliers de Parisiens ébranlés avaient encore du mal à réaliser ce qui s'était passé la veille.

Son fils sur ses épaules, Mona retenait ses larmes. «Il faut défendre la liberté», a-t-elle laissé tomber sous l'émotion. Son père Philippe était à côté d'elle. «C'est réconfortant de voir tous ces gens qui sont là», a-t-il lâché, une larme glissant sur sa joue.

À quelques pas de là, Nabil brandissait fièrement une pancarte sur laquelle était inscrit «Je suis Charlie» en arabe, avant de se faire arrêter par un homme lui demandant de lui faire un câlin. «Je suis venu montrer qu'il y a une autre voie. Ce qui a été fait ne représente pas le monde arabo-musulman», a-t-il expliqué.

Christine en était déjà à sa deuxième nuit de manifestation. «Je suis en colère, je suis triste et j'ai peur aussi. C'est plus l'animal qui a peur, pas l'être. On ne peut pas se laisser terroriser par des fous comme ça qui veulent nous imposer leurs lois.»

À quelques minutes à pied de la Place de la République, des centaines de Parisiens ont défilé en silence tout au cours de la journée près du périmètre de sécurité érigé autour de l'édifice où s'est déroulé le carnage.

Là encore, des fleurs, des lampions et des messages de sympathie garnissent le sol. Tiara était en pleurs. «Je pense qu'on s'est peu voilé la face en France avec la gauche bien-pensante, avec beaucoup de culpabilité, de complexes liés notamment à la colonisation. Il faut être intolérant avec le radicalisme et accueillant avec l'islam et je pense qu'il n'y a pas eu assez d'intolérance avec le radicalisme», a-t-elle mentionné.

Sadia, musulmane, se tenait quelque peu en retrait. «Je suis ici parce qu'il vient de se passer un crime abominable pour des dessins. Je suis vraiment bouleversée. Pour moi, ceux qui ont fait cela ne sont pas des musulmans. Et je leur dis que je les déteste. Je les déteste.»