Attaque à la kalachnikov en pleine conférence de rédaction de Charlie Hebdo, échanges nourris de tirs avec les policiers et car-jacking permettant aux assaillants de semer les forces de l'ordre: le film de l'attentat.

Vers 11H25 mercredi, deux hommes vêtus de noir, cagoulés et porteurs d'armes automatiques se présentent au 6, rue Nicolas-Appert, dans l'est de Paris, où se trouvent les archives de Charlie Hebdo. Ils hurlent «C'est ici Charlie Hebdo?» Voyant qu'ils sont à la mauvaise adresse, ils se rendent alors vers 11H30 au numéro 10 de la rue, siège de l'hebdomadaire satirique.

Dans l'immeuble, ils demandent aux deux hommes de la maintenance se trouvant à l'accueil où se situent précisément les locaux du journal. Puis ils ouvrent le feu, tuant l'un d'eux, selon le procureur de Paris François Molins. Ils montent au deuxième étage, direction la salle de rédaction. «Les deux hommes ouvrent alors le feu et achèvent froidement les personnes rassemblées pour la conférence de rédaction ainsi que le policier chargé de la protection du dessinateur Charb, qui n'a pas le temps de riposter», raconte à l'AFP une source policière.

Outre le policier, huit journalistes et un invité de la rédaction sont tués, selon M. Molins.

Caché sous une table, un journaliste entend les deux hommes crier «nous avons vengé le prophète» et «Allah akbar».

Dès 11H30, un appel police-secours fait état de tirs à Charlie Hebdo. Des policiers sont dépêchés immédiatement sur place.

Les deux agresseurs quittent les locaux et s'engouffrent dans une Citroën noire, qu'ils avaient garée devant l'immeuble en arrivant. Ils empruntent une rue perpendiculaire et se retrouvent nez à nez avec une patrouille de la Brigade anticriminalité (BAC). Echange nourri de coups de feu.

Ils se retrouvent ensuite face à une patrouille de police en VTT, rencontre qui donne lieu à une deuxième salve de tirs, encore une fois sans faire de blessés.

Empruntant le boulevard Richard-Lenoir, les assaillants déclenchent une troisième fusillade avec les policiers. L'un des fonctionnaires, âgé d'une quarantaine d'année et portant l'uniforme, est touché et se trouve à terre, selon une vidéo diffusée sur internet et authentifiée par les enquêteurs. Les deux hommes sortent alors de leur voiture et s'approchent à petites foulées du policier. L'un d'eux lui crie «tu voulais me tuer!». Le policier lève la main et dit «non c'est bon chef», avant d'être abattu d'une balle en pleine tête.

«On a tué Charlie Hebdo»

Les deux tireurs regagnent leur voiture sans s'arrêter. «On a vengé le prophète Mohamed! On a tué Charlie Hebdo!», crient-ils avant de repartir, selon une autre vidéo.

Un peu plus loin, place du colonel Fabien, ils percutent une automobiliste blessée légèrement. Selon le procureur, elle a rapporté avoir vu trois personnes à bord du véhicule. Les agresseurs abandonnent ensuite leur voiture rue de Meaux, dans le XIXe arrondissement.

Ils braquent alors un automobiliste porte de Pantin et s'enfuient vers le nord de Paris à bord de sa Clio. Les forces de l'ordre perdent leur trace.

En tout, ils ont tué 12 personnes et fait 11 blessés, dont 4 graves.

Dès mercredi soir, des perquisitions sont menées à Strasbourg, Pantin et Gennevilliers en région parisienne. À Reims (Marne) et Charleville-Mézières (Ardennes), des opérations d'envergure impliquent des policiers d'élite du Raid.

Très rapidement, la police s'est en fait mise à la recherche de deux frères, Chérif et Said Kouachi, 32 et 34 ans, nés à Paris et de nationalité française. Chérif Kouachi, jihadiste bien connu des services antiterroristes, avait été condamné en 2008 pour avoir participé à une filière d'envoi de combattants en Irak. Dans la nuit, les enquêteurs diffusent les photos des deux frères, «susceptibles d'être armés et dangereux».

Soupçonné d'avoir aidé les deux tireurs, un troisième homme recherché, Mourad Hamyd, 18 ans, se rend lui au commissariat de Charleville-Mézières. Plusieurs autres personnes, dans l'entourage des frères Kouachi, sont aussi placées en garde à vue.

Des milliers de personnes rassemblées en hommage aux victimes

Plusieurs milliers de personnes étaient rassemblées mercredi en fin d'après-midi à Paris, en hommage aux victimes du sanglant attentat contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, a constaté un journaliste de l'AFP.

À l'appel de plusieurs syndicats, associations, médias et partis politiques, les participants se sont réunis à partir de 17 h (11 h, heure de l'Est) sur la place de la République, au coeur de la capitale française, non loin du siège du journal satirique.

Certains arboraient un autocollant noir «Je suis Charlie», un slogan de solidarité envers les victimes qui circulait également sur les réseaux sociaux.

Parmi les pancartes, on pouvait voir «Charb mort libre», hommage à Charb, dessinateur et directeur de Charlie Hebdo, mort dans la tuerie avec trois caricaturistes vedettes de la publication, Cabu, Tignous et Wolinski, tous très connus en France.

«C'est dramatique que ces gens soient assassinés. Demain, les gens ne pourront plus parler. Nous devons être des milliers à sortir dans la rue», a déclaré à l'AFP Béatrice Cano, une manifestante d'une cinquantaine d'années qui arborait le dernier numéro de Charlie, publié mercredi.

«La liberté de la presse n'a pas de prix», soulignait une autre pancarte.

Ce carnage, d'une «exceptionnelle barbarie» selon le président français François Hollande, a suscité l'indignation à travers le monde.