Le djihadiste belge Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats de Paris, a été tué pendant l'assaut des forces de police mercredi à Saint-Denis, en banlieue parisienne, a annoncé jeudi le procureur de Paris, François Molins.

«Abdelhamid Abaaoud vient d'être formellement identifié, après comparaison de traces papillaires (empreintes digitales, NDLR), comme ayant été tué au cours de l'assaut» mené par 110 policiers d'élite contre un immeuble où se cachait le djihadiste avec des complices, selon un communiqué du magistrat.

«Il s'agit du corps découvert dans l'immeuble, criblé d'impacts», précise François Molins, chargé de l'enquête sur les attaques les plus meurtrières de l'histoire de la France, qui ont fait 129 morts et plus de 350 blessés.

Selon les autorités françaises, Abaaoud aurait été impliqué dans quatre des six attentats déjoués en France depuis le printemps. 

Le Washington Post avait déjà annoncé, hier, qu'Abaaoud avait été tué durant le raid policier ayant frappé le 8 rue du Corbillon à Saint-Denis, citant deux sources seniors au sein du renseignement européen.

«Aucune information émanant de pays européens dans lequel il (Abdelhamid Abaaoud, NDLR) aurait pu transiter avant d'arriver en France ne nous a été communiquée», a regretté jeudi Bernard Cazeneuve, le ministre français de l'Intérieur. 

Le premier ministre Manuel Valls a immédiatement salué cette neutralisation. «Abaaoud, le cerveau de ces attentats - l'un des cerveaux car il faut être particulièrement prudent et nous savons les menaces - se trouvait parmi les morts», a déclaré le chef du gouvernement devant les députés.

Petit délinquant bruxellois radicalisé, Abaaoud, 28 ans, était parti combattre en Syrie en 2013, où il est devenu l'un des visages de la propagande francophone du groupe armé État islamique (EI) sous le surnom d'Abou Omar al-Baljiki («le Belge» en arabe).

Il s'était illustré fin 2014 par un aller-retour en Europe se moquant des services de renseignement, pour y préparer des attentats finalement déjoués.

Mercredi, François Molins l'avait présenté comme «l'instigateur» présumé «de nombreux projets d'attentats en Europe pour le compte de l'organisation terroriste État islamique».

Après l'identification d'Abaaoud, les enquêteurs s'attachent désormais à identifier les restes d'une deuxième personne morte dans l'appartement de Saint-Denis. Les policiers qui sont intervenus pensent qu'il s'agit d'une femme ayant déclenché son gilet d'explosifs.

Selon des informations rapportées par plusieurs médias, dont la chaîne de télévision française BFMTV, la présumée femme kamikaze serait la cousine d'Abdelhamid Abaaoud. Une Française de 26 ans d'origine marocaine, connue de la police et des services de renseignement français pour radicalisation, mais également trafic de stupéfiants, répondant au nom d'Hasna Aitboulahcen. Des informations qui n'ont toujours pas été confirmées par les autorités.

De «petit con» à la «honte» de sa famille

Abdelhamid Abaaoud est né en 1987 dans la commune bruxelloise de Molenbeek.

«C'était un petit con», harcelant ses condisciples et ses professeurs ou volant des portefeuilles, avait raconté un ex-camarade de classe au tabloïd populaire belge La Dernière Heure. Depuis vendredi, le «petit con» était devenu la cible privilégiée des enquêteurs français et belges, qui voient en lui l'organisateur présumé des tueries de Paris qui ont été revendiquées par le groupe armé État islamique.

Le nom d'Abaaoud avait été évoqué par les services de renseignement américains dans un rapport en mai, qui mettait en garde contre une possible attaque structurée de l'EI en Europe. Le document émettait l'hypothèse qu'Abaaoud avait tenté de faire croire à sa mort fin 2014 sur le front syrien, afin que les autorités belges relâchent leurs efforts pour l'appréhender.

«Abou Omar al-Baljiki» avait déjà fait la une des journaux belges début 2014 après avoir emmené en Syrie son petit frère Younès, 13 ans, surnommé «le plus jeune djihadiste du monde» par certains médias.

Il aurait rejoint d'autres combattants belges, rassemblés dans une brigade d'élite de l'EI. Il était apparu, fine barbe et bonnet de style afghan sur la tête, dans une vidéo de l'EI où il se vantait de commettre des atrocités, s'adressant goguenard à la caméra au volant d'un véhicule qui tire des cadavres mutilés vers une fosse commune.

«La honte de la famille»

«Avant, on tractait des jet-skis, des quads, des grosses remorques remplies de cadeaux, de bagages pour aller en vacances au Maroc. Maintenant, on tracte les infidèles, ceux qui nous combattent, ceux qui combattent l'islam», se vantait-il, sourire aux lèvres, dans un mélange de français et d'arabe.

Son père Omar Abaaoud, dont la famille est arrivée en Belgique il y a 40 ans, s'était exprimé en janvier sur le parcours de son fils. «Nous avions une belle vie, oui, même une vie fantastique ici. Abdelhamid n'était pas un enfant difficile et c'était devenu un bon commerçant. Mais tout à coup, il est parti pour la Syrie. Je me suis demandé tous les jours pour quelle raison il s'est radicalisé à ce point. Je n'ai jamais reçu de réponse», avait-il déclaré au journal La Dernière Heure.

«Abdelhamid a jeté la honte sur notre famille. Nos vies sont détruites. Pourquoi, au nom de Dieu, voudrait-il tuer des Belges innocents? Notre famille doit tout à ce pays», avait-il ajouté, affirmant qu'il ne «pardonnerait jamais» à Abdelhamid d'avoir «embrigadé» son jeune frère Younès. Il avait d'ailleurs porté plainte contre Abdelhamid après la disparition de Younès.

Le plus connu des quelque 500 Belges partis combattre en Syrie ou en Irak était jusqu'à ces derniers jours surtout lié à la «cellule de Verviers».

Coïncidence troublante 

Le 15 janvier, une semaine après les attentats de janvier à Paris, la police belge avait donné l'assaut dans une maison de cette ville de l'est de la Belgique, tuant deux de ses occupants, qui selon les enquêteurs s'apprêtaient à cibler les forces de l'ordre.

Abaaoud n'est pas sur place. Mais début février, il revendiquait avoir «planifié» ces attentats déjoués de justesse dans une interview que lui attribuait Dabiq, le magazine en langue anglaise de l'EI.

«Nous avons finalement réussi à rejoindre la Belgique. Nous avons alors réussi à obtenir des armes et à établir une planque tout en planifiant de mener des opérations contre les "croisés"», se vantait-il.

Selon la presse belge, Abaaoud avait été localisé en Grèce, d'où il communiquait avec les deux djihadistes tués à Verviers. Un coup de filet à Athènes n'avait pu réussir à l'arrêter.

«J'ai pu partir et venir à el-Cham (en arabe la Grande Syrie ou sa capitale Damas, NDLR) malgré la chasse menée par tant de services de renseignement», se félicitait-il dans Dabiq.

En juillet, Abdelhamid Abaaoud a été condamné à Bruxelles, en son absence, à 20 ans de prison dans un procès sur les filières de recrutement de djihadistes belges pour la Syrie.

- Avec La Presse