À la mairie du 11e arrondissement de Paris, à environ 5 minutes à pied du Bataclan, une cellule de crise a été mise en place pour les familles et les victimes, solidement gardée par des policiers à l'entrée. Une banderole surplombe la porte ou l'on peut lire un appel à une collecte pour aider les réfugiés. Ce sont maintenant les gens du quartier qui ont besoin d'aide.

Un jeune homme, qui refuse de dire son nom, sort de la mairie et accepte de raconter sa nuit cauchemardesque au Bataclan. Il ne se souvient pas du visage des tueurs. «Je vois juste les lumières des kalachnikovs. J'ai vu quatre bonshommes massacrer des gens. Ils ont arrosé de façon circulaire. C'était une exécution. On était un petit groupe près de l'entrée, on a tous réussi à sortir. On a été très chanceux d'être bien placé. J'ai compris tout de suite quand ça a commencé, on est dans le quartier de Charlie.»

Deux femmes sortent elles aussi. Elles habitent le 11e et ont craint pour leurs enfants toute la nuit. L'une d'elle, Boudriche, raconte que les amis de son fils ont été blessés, alors que sa fille était dans un restaurant en face du Bataclan. « Il est en pétage de plomb, mon fils, dit-elle. On est de tout coeur avec les victimes. Je suis terrorisée. On n'est pas protégé. Nous sommes Françaises d'origine algérienne, musulmanes, et on est contre tout ce qui se passe. Ça aurait pu être nos enfants.  » Elles sont venues à la mairie pour apporter leur soutien. « Moi, je sors, je n'ai pas peur. Je ressens de la tristesse et de la colère. On termine l'année comme on l'a commencée. La France aurait dû prendre des dispositions avant. »

Des fleurs et un livre blanc, pour laisser des messages de réconfort, sont installés sur une table, dehors. À l'intérieur, médecins et psychologues travailleront toute la journée. Plusieurs psychologues volontaires offrent leurs services. « Le choc traumatique a été extrêmement violent hier soir, dit Frédérique, psychologue. Il faut mettre des mots sur les émotions. Informer les gens de la façon que ça va se passer dans les prochaines semaines. Ils auront des flashs, des retours. Mais si ça dure plus longtemps, il faut demander un service spécialisé. »

«Il faut avoir peur de ceux qui voudront faire mieux qu'eux»

Près du Bataclan, les fleurs s'accumulent et les gens allument des bougies. Guy Marcel, un étudiant gabonais de 18 ans, habite Paris depuis un an. Il a été témoin en janvier des attentats de Charlie Hebdo, il était tout près. Puis de l'attaque du Bataclan hier, alors qu'il était en face, et où il a aidé les blessés. Il est de retour sur les lieux, encore bouleversé. «On voulait aider les gens, mais on ne peut pas courir après quelqu'un qui a une kalachnikov» dit-il, en regardant la zone où il était la veille. «Je me disais qu'il ne fallait pas avoir peur après Charlie Hebdo, nous confie-t-il. Mais j'avais tort. Il y a de quoi avoir peur.

J'ai l'impression que ça ne finit pas, que c'est de plus en plus. Et le pire dans tout ça, c'est qu'ils ont des fans. Il faut avoir peur de ceux qui vont vouloir faire mieux qu'eux. Ceux qui ont fait ça connaissent Paris depuis longtemps.» L'ami de son ami a été tué dans le massacre. «Il a la rage. Il voulait se battre avec deux gars ce matin. La colère va monter. La tension va monter. Mais la France est plus forte que ça.» Selon lui, «La France est un pays trop gentil» et «il faut frapper à la racine. On sait d'où vient le désordre, d'où vient la nuit. Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Il est plus que chaud, il rougit, il fond!»

Soudainement, un homme arrive en vélo derrière lequel un piano est attaché. Il s'installe spontanément, et joue la pièce « Imagine » de John Lennon, encerclé par les caméras de télé. Et il repart, sans un mot, des larmes dans les yeux.