«Je suis un dictateur bénévole», lâche Burl Cain dans un sourire. Avec son air de bon papa, on ne dirait pas qu'il est le directeur du pénitencier ayant reçu dans le passé le titre peu enviable de prison la plus sanguinaire d'Amérique.

En poste à Angola depuis 14 ans et gérant un budget annuel de 105 millions, il a d'ores et déjà marqué l'établissement de son empreinte. D'ailleurs, on voit son nom et son titre placardés partout sur le site de la prison : « Warden Burl Cain » (Directeur Burl Cain).« Les prisons sont dans mon sang », a-t-il coutume de dire. Son père a gardé des prisonniers allemands en Louisiane durant la Seconde guerre mondiale. Le fiston a pris la suite. Il est fier de dire qu'il a transformé Angola, « un lieu où l'on est plus en sécurité qu'ailleurs dans la société ».

Et il a transformé la prison... grâce à Dieu. Car Burl Cain croit que « Dieu l'a installé directeur d'Angola ». Il l'a déclaré à l'auteur Dennis Shere, qui a écrit en 2005 « Cain's Redemption », un livre relatant comment M. Cain a choisi la religion pour « réhabiliter » le plus de prisonniers possible à Angola.

Burl Cain dit proposer sa foi sans l'imposer. Et ça marche : les églises et les missionnaires poussent comme des champignons à Angola. Il croit que sa tâche est de donner la possibilité au détenu de réfléchir sur son existence en prison « et de lui donner un sens en croyant en Jésus notre Sauveur ».

Selon lui, les criminels arrivant à Angola sont des égoïstes auxquels il faut inculquer une réhabilitation morale. Comme un très grand nombre d'entre eux vont y mourir, il ne veut pas qu'ils meurent à petit feu car, sinon, ce serait la porte ouverte au désespoir et donc à la violence. Il estime que « les gens qui ont une morale ne sont pas dangereux ».

C'est lui qui décide si les prisonniers doivent être isolés. Il renouvelle cet isolement tous les 90 jours. Il considère toutefois que l'isolement (la direction ne prononce pas l'expression « confinement solitaire ») n'est pas une punition mais « un agent de changement ». Les deux Black Panthers, Herman Wallace et Albert Woodfox, testent cet agent de changement depuis plus de 36 ans.

Selon Robert King, qui a goûté à cette médecine pendant 29 ans, le directeur « prêche la moralité mais n'est pas moral ». Selon lui, M. Cain n'a rien inventé. « Il y avait de l'aide aux prisonniers et des églises avant qu'il n'arrive », dit-il. Robert King dit que c'est avant d'arriver en prison, « dans les rues de La Nouvelle-Orléans », qu'on devrait faire en sorte que les Noirs ne soient pas désespérés. Les prisons désempliraient, selon lui.

Burl Cain ne veut pas de « gangs » dans sa prison. Les leaders ou prisonniers politiques sont mieux de se la fermer sinon ils ont droit à l'isolement. Il est fier de dire que depuis trois ans et demi, il n'y a eu ni évasion, ni suicide, ni meurtre à Angola. Et que la situation à l'intérieur de la prison n'a rien à voir avec le temps où elle était réputée comme étant la plus violente du pays. Les gardiens torturaient les détenus mais la violence venait aussi des prisonniers qui dormaient la nuit avec un gros magazine sur la poitrine. Au cas où...

La directrice-adjointe de la prison, Cathy Fontenot, a dit à La Presse que la direction d'Angola croit beaucoup en la réhabilitation morale des prisonniers. La doctrine de M. Cain est « good food, good medicine, good playing and good praying ».

Cain et la peine de mort

Burl Cain a une approche particulière de la peine de mort. Il est chargé de l'exécuter à Angola et se trouve toujours aux côtés du condamné. Dans son livre, M. Shere raconte qu'en 1996, Burl Cain a même envoyé son fils de 16 ans discuter et apporter des biscuits à un condamné à mort avant son exécution.

Le moratoire sur la peine de mort, qui était en cours dans plusieurs États américains ces dernières années, dont en Louisiaine, s'est achevé il y a un an. Depuis, M. Cain attend les prochaines dates d'exécution. Il en a fait exécuter six depuis 14 ans.

Avant chaque injection mortelle, la famille du condamné vient une dernière fois. La prison fournit des boissons et une télé. M. Cain explique ensuite au condamné comment va se passer son passage à trépas. Il prie avec lui Dieu pour qu'il l'accueille dans « Son royaume ».

Un jour que le technicien médical était prêt à injecter le poison dans la jambe du condamné (car son pouls était si bas qu'il n'avait pu localiser les veines de ses bras), Burl Cain avait dit au malheureux : « Antonio, le chariot est ici ; soit prêt pour le trajet. Bon, on y est. Tu vas bientôt voir Jésus. ». Il a alors donné le signal de l'injection.

À la suite de chaque exécution, Burl Cain fait la même déclaration aux médias : « Nous avons envoyé l'âme de X à Dieu pour son jugement final à (heure de la mort). »

Des familles des victimes des condamnés à mort ont critiqué la mise en scène de Burl Cain, estimant qu'il s'implique trop. Le directeur a répliqué que s'il pouvait tenir la main de la victime, il le ferait aussi.

Tous les condamnés à mort ne partagent pas la foi du directeur. Dennis Shere raconte dans son livre qu'un jour, avant de recevoir l'injection, un prisonnier bouddhiste a glissé à Burl Cain : « Dites à mon avocat qu'il est viré... »