Le monde entier a suivi leur histoire avec attention. Aujourd'hui, les mineurs chiliens veulent leur part du gâteau. Même s'ils ont conclu un pacte pour garder le silence sur leur mésaventure, certains d'entre eux n'ont pas hésité à livrer leur version des faits... contre rémunération.

Lorsque Pedro Cortez et Carlos Bugueno ont rejoint leur famille après 69 jours sous terre, des sacs de plastique gonflés flottaient de part et d'autre de la rue. Leurs proches auraient voulu leur faire un accueil digne de héros, mais ils n'avaient pas les moyens d'acheter ne serait-ce que quelques ballons.

La majorité des 33 mineurs rescapés la semaine dernière de la mine chilienne de San José ont regagné leur logis. Ils sont maintenant sans emploi -l'entreprise minière pour laquelle ils travaillaient est au bord de la faillite.

Les 33hommes ont fait peu de révélations sur leur séjour forcé à plus de 620 m sous terre. Ils auraient conclu un pacte de silence. Ils voudraient partager leur histoire dans un projet commun afin que chaque membre du groupe bénéficie des retombées. Des projets de film et de livre sont dans l'air.

Mais déjà, l'entente semble fragile. Les mineurs font face à une pression médiatique énorme pour raconter les détails de leur mésaventure. Des survivants et leurs proches ont accordé des entrevues aux médias contre rémunération, semble-t-il.

«Nous sommes pauvres, a déclaré au New York Times la femme de Carlos Mamani, seul ressortissant bolivien du groupe. Vous avez fait de l'argent avec nos histoires, alors pourquoi ne pourrions-nous pas profiter de cette occasion pour nourrir nos enfants?»

Des mineurs auraient demandé entre 40 et 25 000$US pour une entrevue. Des médias ont accepté de payer -une pratique dénoncée dans le milieu. Le journal japonais Asahi Shimbun a ainsi déboursé 500$US pour une interview avec un des «33». Malgré cette somme, le journaliste dit avoir senti que son interlocuteur gardait les détails pour lui...

Claude Martin, professeur au département de communications de l'Université de Montréal, déplore ces pratiques, mais ne s'étonne pas de l'intérêt suscité par l'histoire des mineurs.

«Il y a beaucoup d'argent à faire là. Il y a du potentiel pour un film, une série télévisée, dit le spécialiste de l'économie des médias. Mais j'espère que les mineurs vont avoir du soutien. Des avocats, par exemple. Ils peuvent certainement être lésés.»

M. Martin craint que les projets de film et de livre ne profitent pas beaucoup aux mineurs: «C'est le système qui fait le plus d'argent - les entreprises, les éditeurs, les vedettes...»

Il doute aussi que les compagnons d'infortune arrivent à maintenir leur solidarité bien longtemps. «Leur cohésion ne m'apparaît pas si solide», précise-t-il.

Les 17 premiers jours

Les médias s'intéressent particulièrement aux 17 premiers jours qui ont suivi l'effondrement de la mine. Les 33hommes étaient alors coupés du monde.

Rumeurs et spéculations ont circulé sur ces deux semaines et demie d'attente. La peur de mourir de faim a-t-elle créé des divisions? Des bagarres ont-elles éclaté entre les mineurs, qui se croyaient alors condamnés à mort?

«Je suis partisan de garder cet espace (des 17 jours) comme propriété» des 33, a déclaré leur porte-parole apparent, Juan Illanes, cité dans le quotidien chilien El Mercurio. «L'idée est d'avoir une exclusivité sur ce qu'on essaie de faire.»

Des mineurs ont aussi dit préférer attendre les résultats d'une enquête avant de commenter leur aventure. «Nous ne parlerons pas des 17 premiers jours jusqu'à ce que l'enquête soit terminée», a déclaré Carlos Bugueno. Les familles de 27 des 33 mineurs ont intenté une poursuite contre les propriétaires de la mine pour négligence.

-Avec Agence France-Presse, Associated Press, New York Times