Après deux mois d'angoisse dans les étouffantes entrailles de la terre, les 33 mineurs coincés au Chili pourront retrouver l'air libre d'ici une dizaine de jours. Héliport, hôpital mobile, entraînement pour faire face à la ruée des médias: rien n'a été négligé par l'équipe de sauvetage en prévision de l'imminent «Jour J».

Malgré cette logistique impressionnante, le choc du retour risque d'être intense, estiment les experts.

«Nous sommes très près de les sauver», a déclaré lundi le président chilien Sebastian Pinera à propos des mineurs coincés à 700 mètres de profondeur dans la mine de cuivre San José, au nord du pays. M. Pinera espère que le sauvetage aura lieu avant sa tournée en Europe, prévue à partir du 15 octobre.

Un des trois puits de secours creusés pour le sauvetage n'est plus qu'à 200 mètres des mineurs. Une fois qu'il sera terminé, il faudra entre sept et dix jours pour le renforcer. Une nacelle sera ensuite glissée à l'intérieur du conduit pour hisser les mineurs un à un à la surface.

Liberté chronométrée

Leurs premières heures de liberté seront strictement organisées.

Depuis quelques jours, des camions transportent des modules préfabriqués conçus pour protéger les rescapés des rayons du soleil, brûlants en plein désert d'Atacama. Ces modules feront aussi office de «sas» médicaux qui permettront aux mineurs de s'acclimater à la surface.

Après avoir reçu les premiers soins, ils auront un premier contact avec un nombre restreint de proches. Les mineurs seront ensuite transportés par hélicoptère à l'hôpital de la ville de Copiapo. Un vol de 12 minutes, selon les essais chronométrés.

L'opération de sauvetage prendra de trois à quatre jours. Un commando de la marine chilienne descendra dans la mine pour évaluer la santé des mineurs et établir l'ordre dans lequel ils seront évacués. Les mineurs porteront une combinaison spéciale pour éviter un choc thermique. Une formation leur a même été donnée pour leur permettre de faire face aux journalistes du monde entier qui se massent à la surface.

Réactions émotionnelles

Malgré toutes ces précautions, les mineurs risquent de vivre des «réactions émotionnelles intenses» une fois sortis, estime Gilbert Desmarais, chef en psychologie à l'hôpital Louis-H. Lafontaine.

Il cite une étude effectuée auprès de parachutistes. «Ceux qui n'avaient pas d'expérience stressaient énormément avant de sauter et étaient plus calmes une fois au sol. Mais chez les parachutistes chevronnés, il y avait peu de réactions avant de sauter, mais une très grande décharge une fois au sol; ils avaient contenu leurs émotions afin d'être en plein contrôle», explique le Dr Desmarais.

«Les mineurs ont passé leur vie à travailler sous terre et à prendre des risques. Si j'avais été coincé avec eux, j'aurais paniqué depuis longtemps. Quand ils sortiront, on peut s'attendre à ce qu'ils vivent une décharge émotionnelle intense. Cela peut être un mélange de joie et de détresse, de peur, de cauchemars ou de sensation de vide.»

Étonnamment, cette épreuve pourrait aussi se révéler bénéfique pour certains mineurs, souligne Camillo Zacchia, chef en psychologie à l'Institut Douglas. «Quand on a vécu de telles privations, on apprécie pas mal plus notre vie après, dit-il. On ne tient plus rien pour acquis. Et on a beaucoup plus de difficulté à tolérer une personne qui se plaint du prix du lait au dépanneur...»

- Avec l'Agence France-Presse