Ils jouent aux billes, courent dans la poussière mais fréquentent policiers, ingénieurs et caméras. Pour les enfants campant auprès de la mine chilienne San José, l'école attendra, puisqu'à 700 m sous terre, un père, un grand-père, attend lui aussi.

«Je suis arrivée le jour d'après l'accident (5 août) et depuis je suis là», raconte avec fierté Marion, du haut de ses 8 ans. Son grand-père Mario Gomez est l'un des 33 mineurs piégés sous la mine depuis un mois et demi.

Les familles, en masse, s'étaient portées à la mine aux premiers jours, angoissés, de recherches sans nouvelles. Le «Camp Espoir», village de toile, était né, chaque jour un peu plus organisé.

«On n'avait personne à qui laisser les enfants», explique à l'AFP Lilian Ramirez, la grand-mère de Marion normalement scolarisée à La Serena, à quelque 400 km.

Si quelques familles ont quitté le camp, incitées par les psychologues à revenir à la normalité, d'autres sont résolues à ne pas bouger jusqu'à ce que «les 33» soient ramenés à la surface, début novembre en principe.

Alors Marion et ses deux petits frères restent aussi, comme une dizaine d'autres, contingent d'enfants qui enfle à 20-25 en fin de semaine, comme lors du dernier long week-end de la Fête nationale.

Un mois et demi sans classe préoccupe les parents. Ils ont demandé au collège «les programmes des enfants pour que le professeur qui passe puisse les faire avancer», qu'ils ne perdent pas l'année, explique Lilian, en référence à l'enseignant mis à disposition du camp par une proche municipalité.

Mais la durée est difficilement tenable. Yessica Cortés, épouse du mineur Victor Zamora, s'est résolue à emmener leur Arturo, 4 ans, à l'école ce mardi «sinon son inscription sera périmée».

Pour ceux qui restent, la journée est une aventure, dont les jeux égaient le campement.

Lizette Gallardo 2 ans, et son frère Bastian, 6 ans, se lèvent tôt chaque matin, et prennent le petit déjeuner dans le grand réfectoire commun, assis aux grandes tables aux côtés des policiers, des ingénieurs, tout en suivant les nouvelles sur les téléviseurs installés.

Dans une grande bassine, leur mère fait ensuite leur toilette, toilette un peu vaine tant la poussière assaille rapidement tout et tout le monde.

Alors Marion, ses amies Anaïs et Paloma, courrent derrière le camion-citerne du ravitaillement en eau, qui asperge au passage la piste de terre, pour dompter la poussière. En quelques minutes elles reviennent à la tente familiale, trempées...

Billes, toupies, cerf-volants, courses en sacs: les jeux sont simples, mais pimentés de luxes rares: les week-ends, des policiers offrent des ballades à cheval, en moto. Et depuis le début, des animateurs, des magiciens, des clowns, se relaient pour offrir leurs services.

Ainsi Roly, le clown qui anime depuis une semaine des jeux-concours, des courses et se fait harceler par les bambins qui veulent son costume.

Rolando Gonzalez, son vrai nom, est un habitué des sourires durs à arracher. En mars, il alla redonner un moral à des enfants de Constitucion, de Pelluhue, villes ravagées par le séisme et le tsunami.

À San Jose, il dit avoir ressenti «la même douleur, la même inquiétude qu'avaient les enfants après le tremblement de terre».

Mais il sait déjà qu'il en ramènera de forts souvenirs, des cadeaux, trois «enfants adoptifs» comme il appelle ses protégés, et une solide gratitude.

«Il est pafois difficile de faire rire, mais il faut s'efforçer d'essayer», lui a écrit ces derniers jours du fond de la mine Jose Ojeda, pour le remercier de sa présence en surface. «Le rire est un remède infaillible».