Dix ans après les faits, les larmes sont encore montées aux yeux de Wilfred Naties, dimanche, lorsqu'il s'est présenté à Ground Zero, à l'endroit de son ancien bureau, pour les commémorations des attentats du 11 septembre 2001.

«Je viens ici et... c'est incroyable que la structure où je travaillais ne soit plus là. Le pub où j'allais prendre un verre, le bureau... je ne peux pas croire qu'ils ne soient plus là», a-t-il lancé, les yeux rougis, en regardant le lieu où se dressaient autrefois les tours.

En arrière-plan, des orateurs lisaient un à un les noms des victimes de l'attaque. Wilfred Naties connaissait plusieurs d'entre eux.

Le consultant de 52 ans travaillait dans le World Trade Center lorsque le premier avion a heurté la tour. Il est sorti à temps pour voir l'immeuble s'effondrer. Mais avant, il a vu ce qu'il croyait être de grands tableaux noirs tomber des tours.

«C'étaient des gens en complets», a-t-il soupiré.

Wilfred Naties avait déjà survécu à l'attentat de 1993 contre les tours jumelles, qui avait fait 6 morts et plus de 1000 blessés. Mais il n'aurait jamais cru que l'horreur pouvait atteindre le niveau de 2001.

«Je suis fâché parce que les choses n'ont pas changé. Ça peut encore arriver. Nous avons trop de libertés», a-t-il lancé, avant de retomber dans son mutisme, les deux mains serrées sur le manche de son drapeau américain.

Pas d'animosité

L'atmosphère était toute au recueillement et à la célébration de la vie parmi les milliers de personnes qui ont franchi les barrages de sécurité pour s'approcher au plus près de la cérémonie commémorative. Peu de paroles belliqueuses ou d'appels à la vengeance dans cette foule.

Les références au sacré et à la religion, elles, étaient partout. «C'est ça, l'Amérique», a résumé une dame distribuant des extraits de la Bible.

Plusieurs portaient des t-shirts, des macarons, des affiches ou des cadres exposant le portrait d'un proche disparu. Les pleurs discrets étaient souvent suivis d'une accolade à un voisin.

Assis sur le trottoir, un travailleur de la construction coiffé d'un casque portant la mention «secouriste» passait et repassait en revue une pile de photos des décombres qu'il a fouillés à l'époque.

Difficile retour

Rosario Piedraita a réprimé un sanglot en racontant la mort de son neveu, Wilder Gomez. L'immigrant colombien de 37 ans travaillait comme serveur au restaurant Windows on the World, au 107e étage du World Trade Center.

«Il ne travaillait pas le matin, d'habitude, mais son patron lui a demandé de remplacer quelqu'un», a-t-elle expliqué. Le corps de son neveu a été identifié le 11 septembre 2002, ajoutant du poids au triste anniversaire.

Robert Esposito, lui, tenait à revenir sur les lieux du drame, mais il a trouvé l'expérience difficile. «Cela m'a pris sept ans avant de venir ici, et je n'y suis plus retourné depuis trois ans. C'était tellement une expérience traumatisante, quand on pense à la façon dont les gens sont morts», a raconté le retraité de Long Island.

Judy Busta, une enseignante de l'Iowa, a pris le temps de fixer sur les grilles de l'église Saint-Paul des fleurs en papier fabriquées par ses élèves de cinquième année.

«À cet âge-là, ils comprennent. Et on leur a enseigné [la signification de cette journée]», a dit la professeure en séchant une larme.

Les enfants avaient attaché des messages aux fleurs. «J'espère que la guerre va finir», disait l'une d'eux.