L'hiver dernier, le peintre Marc Séguin s'est fait poser une série de questions difficiles par sa fille de 4 ans. Qu'est-ce qui s'est passé le 11 septembre 2001, lui a-t-elle demandé. Qui étaient les bons? Les méchants? Et qui a gagné?

Pour cette dernière question, l'artiste avait une ébauche de réponse. «Personne n'a gagné. Surtout pas toi.»

Six mois plus tard, quand La Presse lui a demandé de concevoir une oeuvre qui ferait la couverture d'un cahier spécial soulignant les 10 ans des attentats, Marc Séguin s'est souvenu de cette conversation.

Il a choisi, dans cette toile qui s'apprécie en deux temps, d'abord en couverture et aussi au dos de notre cahier, de peindre le visage de sa fille, coiffée d'un voile aux couleurs américaines. Une enfant occidentale, un hidjab, une arme, une explosion. De puissants symboles, rassemblés dans une toile troublante, qui nous amène à réfléchir aux conséquences du drame.

«Le 11 septembre a polarisé le monde. D'un côté les bons et de l'autre les méchants. Tranché net. J'ai voulu faire une image qui jonglait avec cette polarité», explique l'artiste.

Car 10 ans après, qui sont les grands perdants? Nos enfants, les enfants musulmans, qui grandiront dans un monde marqué par davantage de violence et de haine.

Beaucoup de perdants, donc, et bien peu de gagnants. Oussama ben Laden est mort, mais l'Afghanistan est toujours un pays au bord de la guerre civile. Le Pakistan est, plus que jamais, une bombe à retardement. L'Irak continue d'être à feu et à sang. Les attentats terroristes se sont multipliés en Europe. Le fossé qui s'est créé il y a 10 ans entre les musulmans et le reste du monde est plus profond que jamais.

Pour mesurer l'impact de l'onde de choc, 10 ans plus tard, nos journalistes ont recueilli des témoignages bouleversants, partout dans le monde. Des campagnes américaines aux rues de Bagdad, des musées américains aux camps de réfugiés pakistanais, ils nous racontent des vies brisées, des destins tragiques, des souvenirs émouvants.

Le 11 septembre a aussi marqué profondément le monde des arts. Il était donc indispensable de mettre des artistes à contribution. En plus du peintre Marc Séguin, nous avons demandé à la romancière Kim Thuy, auteure de Ru, de nous parler de la tragédie à sa façon.

Montez à bord, pour un tour du monde post 11-Septembre.

Marc Séguin

Marc Séguin, 40 ans, est l'un des artistes contemporains canadiens les plus en vue. Ses oeuvres sont exposées et collectionnées dans plusieurs pays par les musées et galeries, et par des collections muséales et privées. Il vit et travaille à Hemmingford et New York. Le thème  du 11 septembre lui est familier: il a peint les tours du World Trade Center et aussi le visage de terroristes. Il est aussi l'auteur du roman La foi du braconnier (éditions Leméac, 2009). Il a quatre enfants.