Le navire humanitaire Aquarius est arrivé mercredi en début d'après-midi à Malte où il a finalement été autorisé à accoster après avoir erré plusieurs jours en Méditerranée avec 141 migrants épuisés à son bord.

Ces derniers  - dont une moitié de mineurs et un tiers de femmes - ont poussé des cris de joie lorsque le navire, affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), s'est engagé dans le vaste port de La Valette, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Le gouvernement maltais avait donné son feu vert mardi, après un accord pour répartir entre cinq pays européens ces migrants secourus vendredi dans les eaux internationales au large de la Libye.

Originaires pour la plupart de Somalie et d'Érythrée, les passagers, qui devaient passer un contrôle médical avant de pouvoir quitter le navire, ont débarqué petit à petit, sous un soleil brûlant.

Deux femmes enceintes ont été transportées à l'hôpital, ont pu constater les journalistes, tenus à bonne distance par les forces de sécurité.

Les rescapés étaient «épuisés, marqués par leur voyage et leur séjour en Libye», avait déclaré à l'AFP Aloys Vimard, le coordinateur de Médecins sans frontières à bord de l'Aquarius.

À l'arrivée des migrants, l'équipage du Lifeline, un autre navire de sauvetage pour l'heure retenu à quai par les autorités maltaises, a brandi une bannière clamant: «Tout le monde a le droit à la vie».

À l'inverse, une dizaine de militants d'extrême droite ont agité une banderole exigeant la «fin du trafic d'êtres humains»

deux mois après avoir suscité une intense crise diplomatique, l'Aquarius a de nouveau erré plusieurs jours en Méditerranée en quête d'un port d'accueil.

Rejeté par l'Italie, mais aussi dans un premier temps par Malte, qui avait recueilli lundi 114 migrants secourus par sa marine, l'Aquarius a finalement été autorisé mardi à accoster à La Valette à la suite d'un accord avec cinq autres pays de l'Union européenne.

La France, l'Allemagne, le Luxembourg, le Portugal et l'Espagne ont accepté de se répartir l'accueil des 141 migrants à bord et des 114 autres arrivés lundi sur l'île.

L'Espagne, qui avait accueilli l'Aquarius en juin au moment de sa précédente errance, a promis de prendre en charge 60 migrants, tout comme la France, dont le président Emmanuel Macron avait été vivement critiqué en juin pour avoir fermé ses ports au navire.

L'Allemagne s'est de son côté engagée à recevoir jusqu'à 50 réfugiés et le Portugal s'est dit prêt à en accueillir 30. Le Luxembourg en recevra cinq.

«Dangereux et immoral»

L'ONG SOS Méditerranée s'est félicitée mercredi que ces différents pays européens se soient «mis d'accord pour partager les responsabilités au sein d'une réponse [...] coordonnée».

«L'Aquarius a bien sûr l'intention et l'obligation de reprendre la mer au plus vite, au large des côtes libyennes», a par ailleurs souligné Verena Papke, représentante de l'ONG en Allemagne, lors d'une conférence de presse à Berlin.

Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a lui aussi salué dans un communiqué «la fin de l'impasse concernant l'Aquarius», mais il a toutefois jugé que «cette situation n'aurait jamais dû en arriver à ce point».

«Il est faux, dangereux et immoral de continuer à faire errer des navires de sauvetage en Méditerranée, alors que les gouvernements se font concurrence pour se décharger de leurs responsabilités», a ajouté M. Grandi en estimant «urgent» de sortir «des approches «bateau par bateau» pour savoir où débarquer les passagers secourus».

Cette nouvelle odyssée d'un navire chargé de migrants devrait pousser l'Union européenne à adopter «un mécanisme spécifique et humain de répartition», a plaidé Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères et cofondateur de MSF.

Mi-juin, l'Aquarius avait déjà navigué une semaine avec plus de 600 personnes à bord, après les refus de Malte et de l'Italie, dont le ministre de l'Intérieur d'extrême droite Matteo Salvini a mis un point d'honneur à ne pas accueillir de nouveaux migrants.

Le navire allemand Lifeline avait lui aussi été contraint à un périple d'une semaine avant de pouvoir débarquer fin juin à Malte ses 233 passagers.

Pour l'heure, les dirigeants de l'UE ne sont pas parvenus à trouver un compromis avec les partisans d'une ligne dure sur l'immigration, comme l'Italie et le groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie et Pologne).