Après avoir démantelé la « Jungle » de Calais, les autorités françaises ont évacué vendredi environ 3800 migrants installés sur des trottoirs de Paris, pour les transférer dans des centres d'hébergement ou des gymnases de la capitale et sa région.

Au petit matin, les hommes, femmes et enfants installés sous une ligne de métro aérien dans le nord de la capitale ont été réveillés pour être transportés par autocars vers des structures en dur.

Sac sous le bras, les uns terminant une toilette sommaire, les autres déjà prêts, ils ont attendu patiemment leur tour, soulagés de quitter leurs tentes ou matelas posés à même le macadam, mais sans certitude sur l'avenir. « On emmène les gens où ? À Paris ou en province ? » s'inquiète Abderrahmane, 19 ans, Guinéen.

« Ça fait un mois que j'étais ici dans une tente, c'est bien de partir », confie Khalid, 28 ans.

Déjà plusieurs fois évacué, le campement insalubre s'était reconstitué rapidement au cours des dernières semaines, sur plusieurs centaines de mètres dans un quartier populaire et multiethnique de la capitale.

Alors que le thermomètre chute et que la varicelle a fait son apparition dans le campement, les autorités ont décidé de « mettre à l'abri » ses occupants.

Après le démantèlement la semaine dernière de l'immense bidonville de Calais, face aux côtes anglaises, il s'agit aussi pour le gouvernement de montrer qu'il maîtrise la situation migratoire, un enjeu politique clé à six mois de la prochaine présidentielle.

« À l'heure à laquelle je vous parle, il n'y a plus de problème humanitaire à Calais, il n'y en a plus non plus à Paris », a affirmé le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

« Nous ne pouvons plus tolérer les camps », avait martelé samedi le président socialiste François Hollande, en souhaitant offrir un « accueil digne » aux exilés.

Plus de 7000 migrants, dont près de 2000 mineurs, en majorité Afghans, Érythréens et Soudanais, ont été évacués de Calais pour être relogés dans des centres d'accueil sur l'ensemble du territoire.

« Places pour tout le monde »

L'Europe fait face à sa plus grave crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale, avec 1,5 million de migrants ayant traversé la Méditerranée depuis 2014 pour échapper à la guerre et à la pauvreté au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du Sud.

Longtemps considérée comme un pays de transit, la France a été plutôt épargnée par ces arrivées, n'enregistrant que 80 000 nouvelles demandes d'asile en 2015 quand l'Allemagne en recevait près d'un million. Cette année, le nombre de demandes devrait s'élever à 100 000.

Même si cette hausse est modeste par comparaison avec d'autres pays, il a fallu trouver en urgence de nouvelles structures d'accueil. Et ce problème s'est posé avec une nouvelle acuité vendredi à Paris.

« On a les places pour héberger tout le monde », a assuré la ministre du Logement Emmanuelle Cosse, présente sur le site du campement parisien.

Mais les associations de défense des exilés s'inquiètent de la qualité des hébergements offerts, des centaines de migrants devant notamment être relogés dans des gymnases ou dans des hôtels de bas de gamme.

« On ne prévient pas les gens des destinations où ils vont, ce n'est pas très respectueux », déplore Valérie Osouf, une Parisienne qui aide bénévolement ses nouveaux voisins migrants.

D'autres riverains restent sceptiques. « C'est comme vider l'océan avec une petite cuillère. Revenez dans un mois, il y aura autant de monde », lance un homme d'une cinquantaine d'années.

Le campement parisien a déjà connu deux évacuations record ces derniers mois, le 26 juillet (près de 2500 personnes) et le 16 septembre (près de 2100). Mais il s'est régulièrement reconstitué dans ce quartier proche de la gare du Nord, alimenté par des arrivées depuis la Méditerranée et des allers-retours entre la capitale et Calais.

Pour empêcher sa reconstitution, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a décidé d'ouvrir prochainement un « centre d'accueil humanitaire ». Doté de 400 lits, il accueillera les migrants quelques jours, avant de les répartir dans d'autres centres de plus long terme.

PHOTO JOEL SAGET, AFP

Le campement parisien a déjà connu deux évacuations record ces derniers mois, le 26 juillet (près de 2500 personnes) et le 16 septembre (près de 2100).