Après des mois passés à tenter de remédier dans l'urgence à la crise migratoire, Bruxelles a présenté mercredi ses deux « options » pour réviser en profondeur le système des demandes d'asile dans l'UE, actuellement « ni juste ni fiable », afin de soulager les pays les plus sollicités par les flux.

En ligne de mire, d'ici fin juin, la réforme du règlement de Dublin, critiqué depuis des années, qui détermine le pays responsable de l'examen d'une demande d'asile.

L'afflux soudain et massif de migrants - plus de 1,25 million de requêtes déposées en 2015 - a révélé crûment les failles d'un sytème qui ont mis une pression démesurée sur les pays de « première entrée », l'Italie et surtout la Grèce, qui se débat déjà pour sortir du marasme économique, et sur les pays plébiscités par les réfugiés, comme l'Allemagne, l'Autriche ou la Suède.

« Nous avons besoin d'un système durable pour l'avenir, fondé sur des règles communes et un partage plus équitable des responsabilités », a plaidé Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne.

La Commission a posé sur la table deux options, précisant qu'elle souhaitait concrétiser ses propositions « avant l'été ».

La première s'appuie sur la structure existante, en gardant le système de demande d'asile dans le pays de première entrée. Mais elle prévoit une porte de secours en cas de flux migratoire massif comme celui que connaît actuellement l'Europe: un mécanisme de « relocalisation » et de répartition structurel, tel que celui négocié dans l'urgence deux fois en 2015 par les 28 États membres. Un « Dublin-plus », selon l'expression de M. Timmermans.

Principal avantage de cette option selon une source diplomatique européenne: elle continue de responsabiliser le pays d'entrée, plus enclin à bien surveiller ses frontières, et par extension, la frontière extérieure de l'UE.

La deuxième solution consiste à créer un système permanent de distribution des demandes d'asile, via une clé de répartition qui prendrait en compte la taille, le PIB et la « capacité d'absorption » de chacun des États membres.

« La responsabilité ne serait plus liée au premier point d'entrée », explique la Commission dans un document publié mercredi.

Selon la source européenne, cette deuxième option aurait la préférence des deux pays qui ont accueilli le plus de réfugiés depuis septembre, Allemagne et Suède.

Entité supranationale

Le mécanisme de relocalisation d'urgence avait été instauré non sans douleur ni critique. Alors que les 28 se sont entendus pour répartir entre eux quelque 160 000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie, 1111 personnes seulement ont été prises en charge pour l'instant.

« Les deux options assurent une solidarité dont nous avons bien besoin », a lancé Frans Timmermans, une solidarité ébranlée par une crise migratoire sans précédent depuis 1945.

Les réponses souvent prises individuellement des différents États membres ont montré les limites de la coordination de l'Union face à une crise devenue un enjeu de politique intérieure pour de nombreux gouvernements.

« Nous allons maintenant ouvrir la discussion avec les États membres, le Parlement européen et les différentes parties prenantes avant de présenter nos propositions », a précisé le Commissaire européen responsable de la Migration, Dimitris Avramopoulos.

À plus long terme, Bruxelles envisage la possibilité de transformer l'EASO, le Bureau européen d'appui pour l'asile, en une entité supranationale responsable de la gestion des demandeurs d'asile.

L'UE tente par tous les moyens d'endiguer le flot de migrants, s'appuyant depuis lundi sur l'application de l'accord arraché mi-mars avec Ankara qui prévoit de renvoyer en Turquie toute personne arrivée irrégulièrement en Grèce après le 20 mars, y compris des demandeurs d'asile syriens.

Selon les chiffres officiels de mercredi, le nombre de migrants actuellement en Grèce s'élève à 53 042, dont 11 260 à Idomeni, à la frontière de la Macédoine, 4720 au Pirée et 6380 sur les îles.

Entre mardi et mercredi matin 68 migrants sont arrivés sur les îles grecques contre 220 et 330 les jours précédents, mais les causes de cette baisse - déjà observée la semaine précédente - n'étaient pas claires, selon les autorités grecques.

Dans les centres d'enregistrement (« hotspots ») de Lesbos et de Samos, les protestations de dizaines migrants se poursuivaient contre leur renvoi éventuel en Turquie, ainsi que sur le port du Pirée, selon des sources policières.

Athènes a confirmé la visite « d'importance extraordinaire » du pape François à Lesbos la semaine prochaine, en compagnie du patriarche oecuménique orthodoxe Bartholomée Ier.