L'Union européenne va solliciter la Turquie et soutenir la Grèce pour que ces deux pays l'aident à régler la crise migratoire, avec la volonté de fermer définitivement «la route des Balkans», lundi lors d'un sommet à Bruxelles.

«Le flux des migrants irréguliers le long des Balkans occidentaux arrive à son terme. Cette route est désormais fermée», est-il écrit dans le projet de déclaration finale de ce sommet extraordinaire de l'UE.

Les 28 dirigeants européens déjeuneront d'abord avec le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, au moment où l'arrivée de 1,25 million de demandeurs d'asile divise comme jamais le bloc européen.

Ce nouveau sommet survient dans un climat de frictions récurrentes entre l'UE et la Turquie, candidate de longue date à l'adhésion, les Européens s'inquiétant de la répression contre les médias critiques du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.

M. Davutoglu sera à Bruxelles dès dimanche soir pour «préparer le sommet» à huis clos avec la chancelière allemande Angela Merkel. Avant son départ d'Istanbul, il a affirmé que son pays avait fait des «pas importants» pour respecter sa part du «plan d'action» conclu en novembre avec l'UE afin de stopper les migrants quittant par milliers la côte anatolienne à destination des îles grecques.

Au moins 25 migrants, dont dix enfants, ont encore péri dimanche dans un naufrage au large de la Turquie.

Coopération avec Ankara

Après une récente tournée dans les Balkans, en Grèce et en Turquie, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a cru déceler «un consensus européen (...) autour d'une stratégie globale, qui, si elle est mise en oeuvre de façon loyale, peut aider à endiguer les flux» migratoires.

Sa solution : appliquer à la lettre les règles de libre circulation de l'espace Schengen, en ne laissant entrer en Grèce que les seuls demandeurs d'asile. Ce qui doit permettre de lever d'ici à fin 2016 les contrôles frontaliers mis en place unilatéralement à l'intérieur de l'UE, puis d'expulser tous les «migrants économiques» vers la Turquie qui les renverra à son tour vers leur pays d'origine.

Ankara devrait ainsi s'engager à accepter au 1er juin des «réadmissions» en Turquie de migrants en situation irrégulière venant des îles grecques.

«On peut réduire le flux par des retours à grande échelle et rapides de tous les migrants» déboutés de leur demande d'asile, veut croire M. Tusk.

Un des objectifs de sommet, selon un projet de déclaration finale, est de «fermer dans les jours qui viennent la route des Balkans», par laquelle des migrants rallient l'Allemagne et la Scandinavie, a confirmé dimanche soir un diplomate européen.

Les Européens veulent aussi que la Turquie renforce la lutte contre les passeurs, avec l'aide de navires de l'OTAN en mer Égée.

Le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, s'est félicité dimanche de l'extension de ce déploiement naval, les bâtiments de l'OTAN pouvant désormais «opérer dans les eaux territoriales» de la Grèce et de la Turquie, «en étroite coordination» avec ces deux pays.

La situation humanitaire reste néanmoins dramatique. Plus de 30 000 migrants demeurent bloqués en Grèce dans des conditions misérables en raison des restrictions imposées par plusieurs pays des Balkans.

La Macédoine a réduit tout au long de la semaine le nombre des entrées de migrants, pour n'en accepter qu'une centaine dimanche.

Solidarité avec Athènes

Le premier ministre grec Alexis Tsipras a qualifié dimanche d'«urgence absolue» le transfert de milliers de migrants vers d'autres pays de l'UE.

L'Union européenne doit rapidement débloquer une enveloppe inédite (700 millions d'euros sur trois ans) pour aider la Grèce, plongée dans une terrible crise économique. Et lui fournir les moyens de mieux contrôler sa frontière extérieure, qui est aussi celle de l'UE, via l'agence européenne Frontex.

«L'Union européenne doit et va soutenir la Grèce de façon solidaire», a de son côté jugé Mme Merkel.

De 15 000 à 20 000 migrants continuent d'arriver chaque semaine de Turquie sur les côtes grecques, moins qu'à l'automne mais en nombre «beaucoup trop élevé», s'alarment les dirigeants européens, qui craignent de nouvelles vagues lorsque le printemps rendra la traversée moins périlleuse.

En échange de sa coopération, Ankara a obtenu des contreparties substantielles : la suppression, peut-être dès l'automne, des visas imposés aux ressortissants turcs et surtout une relance du processus d'adhésion à l'UE, sans oublier trois milliards d'euros d'aide pour les 2,7 millions de Syriens réfugiés en Turquie.

«Ce n'est que de l'argent gaspillé. La Turquie n'est ni capable ni prête à faire quoi que ce soit des migrants», a commenté dimanche le président tchèque Milos Zeman, connu pour ses déclarations musclées.

Après le déjeuner avec M. Davutoglu, les 28 se retrouveront pour un sommet informel, et s'efforceront de tenter de rétablir un peu de discipline collective au sein du bloc.

Plusieurs États membres refusent en effet de mettre en oeuvre la répartition de 160 000 réfugiés au sein de l'UE, agréée en septembre pour soulager la Grèce et l'Italie.