Le Parlement danois a entamé mercredi, dans un hémicycle presque vide faute de suspense, l'examen d'un projet de loi sur la confiscation des biens des migrants, assuré d'être adopté après un accord entre la majorité de droite et les sociaux-démocrates.

Ce texte, dont le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies a dit craindre qu'il n'alimente «la peur et la xénophobie», s'inscrit dans le cadre d'une énième réforme des conditions d'accueil des réfugiés, de plus en plus restrictives.

Mesure de justice sociale pour les uns, taxe sur la misère pour les autres, il donne pouvoir aux policiers de «saisir des biens que les demandeurs d'asile apportent avec eux afin de couvrir leurs besoins en alimentation et en hébergement».

Ses défenseurs conviennent que les saisies ne rempliront pas les caisses de l'Office danois des migrations chargé de prendre en charge les migrants. L'objectif est d'adresser un «signal» aux candidats à l'exil pour les dissuader de venir au Danemark au bout de leur long périple depuis la Syrie, l'Irak ou l'Afghanistan.

«Quand on prend leurs valeurs aux réfugiés, nous perdons les nôtres», s'est indigné mercredi sur Twitter le parti écologiste Alternativet, qui a organisé une manifestation ayant rassemblé quelques centaines de personnes à Copenhague.

Présenté en décembre par la ministre de l'Immigration et de l'intégration Inger Støjberg, le projet de loi a été édulcoré à deux reprises pour apaiser les passions et rallier une majorité de parlementaires.

C'est chose faite depuis mardi et l'accord conclu par le gouvernement Venstre (libéraux), ses partenaires de droite -Parti populaire danois (DF), Alliance libérale et Parti populaire conservateur- et le principal parti d'opposition, les sociaux-démocrates.

«Malentendus délibérés»

S'il est adopté, il autorisera la police à fouiller les migrants et à confisquer les liquidités excédant 10 000 couronnes danoises (2000 $) ainsi que les objets dont la valeur dépasse 10 000 couronnes.

Les migrants pourront toutefois conserver les biens «de valeur affective particulière» comme les bijoux, médailles ou portraits de famille.

Un porte-parole du HCR a rappelé que le sort des réfugiés appelait «la compassion, la compréhension, le respect et la solidarité».

«Les réfugiés ont perdu leur logement et presque tout ce qu'ils possèdent. Les déposséder du peu qu'ils sont parvenus à sauver dépasse l'entendement», a déclaré William Spindler dans un courrier électronique à l'AFP.

Seuls trois partis minoritaires de gauche demeurent opposés au projet et le texte devrait, sauf coup de théâtre, être voté le 26 janvier.

Faute d'enjeu, les rangs du Folketing, le parlement monocaméral du royaume scandinave, étaient quasiment déserts mercredi après-midi et la question de la confiscation n'a été abordée que de façon anecdotique.

La ministre Inger Støjberg a regretté «quelques critiques et de nombreux malentendus, et des malentendus peut-être parfois délibérés».

Compromis

Pressé de justifier la position de son parti, le député social-démocrate Dan Jørgensen s'est contenté de défendre une solution de «compromis» dans «une situation difficile».

Après maints atermoiements, le gouvernement ne devrait désormais plus reculer, selon Bjarne Steensbeck, analyste politique à la télévision publique DR.

«Lars Løkke Rasmussen est élu par les Danois, pas par les médias internationaux», a-t-il ironisé, dans une référence implicite au Washington Post qui avait comparé le projet de confiscation à la spoliation des juifs par les nazis.

Le Danemark, pays de 5,4 millions d'habitants, a enregistré 21 000 dossiers de demande d'asile en 2015, ce qui le classe parmi les États membres de l'Union européenne ayant reçu le plus grand nombre de migrants par habitant, derrière la Finlande, l'Autriche, l'Allemagne et la Suède voisine qui en a comptabilisé 163 000.

Le gouvernement multiplie depuis les législatives de juin les annonces pour dissuader l'immigration.

Sous l'impulsion du Parti populaire danois, une formation de droite anti-immigration qui lui apporte une majorité au parlement, il avait notamment publié en septembre des encarts dans trois journaux arabophones au Liban détaillant les tours de vis récents, en cours ou à venir.

Copenhague a par ailleurs annoncé mercredi la prolongation pour trois semaines des contrôles aux frontières avec l'Allemagne, rétablis le 4 janvier en réponse aux mesures similaires instaurées par la Suède.