La chancelière allemande Angela Merkel a plaidé lundi pour une réduction «perceptible» du nombre des migrants rejoignant l'Allemagne, ménageant ainsi les voix discordantes dans son parti conservateur CDU, mais a refusé de leur fermer la porte au nom d'«impératifs humanitaires».

Malgré de fortes turbulences ces dernières semaines au sein de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) sur la politique d'accueil des réfugiés, la dirigeante a été ovationnée neuf minutes durant par ses troupes réunies à Karlsruhe (sud-ouest) pour un congrès qui a finalement plébiscité la ligne de la chancelière.

Une démonstration d'unité pour l'une des interventions les plus fortes de la chancelière en 15 ans à la tête du parti conservateur, soulignaient les commentateurs.

Au cours d'un discours consacré quasiment exclusivement à la question des migrants, Angela Merkel, qui affronte la plus grave crise de sa décennie au pouvoir, a reconnu que «même un pays comme l'Allemagne est dépassé à la longue par un nombre si grand de réfugiés».

Il devrait avoir dépassé le million sur l'ensemble de l'année, un record historique qui place l'Allemagne, malgré sa bonne santé économique, face à des défis logistiques considérables.

«C'est pourquoi nous voulons et nous allons réduire de manière perceptible le nombre» de migrants, a-t-elle promis. Pour elle, c'est aussi dans l'intérêt des réfugiés qui jamais, a-t-elle estimé, ne quittent leur pays de leur plein gré.

Pour autant, elle a une nouvelle fois répété son mantra «nous allons y arriver», car «notre pays est fort».

«Épreuve historique»

Elle en a même appelé à l'Histoire, évoquant le redressement spectaculaire de l'Allemagne anéantie par le joug nazi à la fin de la Seconde Guerre mondiale et, 45 ans plus tard, le défi de la Réunification.

Mais elle a surtout insisté sur la nécessité de trouver des solutions européennes à cette crise qui est «une épreuve historique» pour l'Union européenne dans son ensemble.

«Notre tâche est immense», a-t-elle admis. «Parfois» les négociations houleuses entre les 28 pays de l'UE «nous rendent fous, mais cela n'a jamais été facile en Europe», a-t-elle poursuivi alors que certains pays comme la Hongrie se sont barricadés pour empêcher les migrants de poursuivre leur odyssée depuis le sud de l'Europe.

La chancelière a notamment souligné «le rôle clé» que joue la Turquie dans cette crise. Malgré des relations acrimonieuses avec le président turc Erdogan, Berlin est à l'origine d'un rapprochement avec Ankara pour tenter de retenir les quelques 2 millions de Syriens réfugiés en Turquie.

La chancelière a aussi réaffirmé l'importance de relocaliser quelque 160 000 réfugiés arrivés en Grèce ou en Italie, une mesure décidée entre partenaires européens et qui jusqu'ici a été peu suivie d'effets.

Protéger les frontières extérieures de l'UE constitue également une mesure essentielle pour Mme Merkel. Un sommet à Bruxelles consacré notamment à cette question est prévu jeudi et vendredi.

Mais pas question pour elle que l'Allemagne se barricade : «Au XXIe siècle, s'enfermer n'est pas la solution».

Son partenaire gouvernemental bavarois, la CSU, mais aussi certains au sein de la CDU exigeaient qu'elle formule un plafond chiffré au-delà duquel l'Allemagne n'acceptera plus de réfugiés. Mais la chef du gouvernement a toujours refusé catégoriquement cette perspective.

Majorité écrasante

Pour elle, ouvrir les portes de son pays aux réfugiés en détresse, qui fuient la guerre ou la terreur en Syrie ou en Irak, est «un impératif humanitaire».

Fille de pasteur protestant, Angela Merkel n'a cessé d'invoquer la morale pour justifier sa généreuse politique.

À la tribune, elle a rappelé les valeurs chrétiennes de son parti. «Chaque homme dispose de la dignité que Dieu lui a offerte», a-t-elle plaidé.

Elle a convaincu ses troupes, au moins provisoirement: une motion, âprement discutée ces derniers jours en interne, a finalement été adoptée à une écrasante majorité.

Elle prône une action européenne conjointe, notamment à la frontière gréco-turque, principale porte d'entrée des migrants dans l'UE, mais ne fixe pas de limite à l'accueil des migrants.

Malgré cette victoire de la chancelière, le mécontentement des Allemands est tangible: 49 % d'entre eux se disent opposés à la politique suivie par Berlin, selon le baromètre politique de la chaîne publique ZDF.

Et les violences contre les réfugiés sont en forte progression.