Le Canada et le Québec peuvent atteindre leurs objectifs d'accueil de réfugiés syriens d'ici la fin de l'année, a indiqué le premier ministre Philippe Couillard, mardi, un scénario que deux de ses ministres estimaient pourtant «irréaliste», voire «impossible».

M. Couillard juge «exigeante» la cible d'accueil de 25 000 réfugiés syriens au Canada d'ici 2016, une promesse électorale du nouveau premier ministre fédéral Justin Trudeau. Mais ce serait une «erreur fondamentale» de demander à Ottawa de réviser son échéancier, comme le proposent le Parti québécois et la Coalition avenir Québec.

«L'hiver approche, ça va être des conditions très, très difficiles pour ces familles dans les camps de réfugiés, a affirmé M. Couillard. Il y a une certaine urgence à accélérer leur arrivée au pays et par la suite leur intégration à notre société.»

Il s'attend à être informé des intentions du gouvernement fédéral d'ici quelques jours. À ses yeux, une «solide majorité des fonds» pour l'accueil des nouveaux arrivants doit provenir d'Ottawa.

Le premier ministre a donc corrigé le tir après que deux de ses ministres eurent émis des doutes sur la capacité du Québec à accueillir sa part des nouveaux réfugiés dans un délai si court.

La ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, avait jugé «impossible» l'atteinte des cibles d'Ottawa d'ici la fin de l'année. Son collègue à la Sécurité publique, Pierre Moreau, avait qualifié l'échéancier d'«irréaliste» mardi matin.

L'arrivée prochaine de réfugiés syriens a été remise en cause dans la foulée des attentats sanglants de Paris, vendredi dernier.

Mardi soir, plus de 70 000 personnes avaient signé la pétition lancée par un résidant de Québec s'opposant à leur entrée au pays. Le maire de la Vieille Capitale, Régis Labeaume, a dit souhaiter accueillir en priorité des orphelins et des familles. Quant au maire de Montréal, Denis Coderre, il n'a pas exclu un ralentissement du processus d'accueil des réfugiés.

«Improvisation»

L'apparent différend entre M. Couillard et ses ministres n'a guère rassuré l'opposition.

«On a de la difficulté à saisir quel est le message, quels sont les chiffres, a observé le chef péquiste Pierre Karl Péladeau. Nous sommes obligés de conclure qu'il y a un certain niveau d'improvisation qui peut paraître inquiétant.»

Le chef de la CAQ, François Legault, estime que M. Couillard doit entendre les voix qui s'élèvent pour réclamer le report de l'accueil des réfugiés.

«M. Couillard s'entête à ne pas vouloir se contredire lui-même, a-t-il ironisé. En fin de semaine, il a répété comme M. Trudeau qu'il voulait tous les accueillir avant le 31 décembre. Mais à un moment donné, il va falloir que tout le monde soit réaliste.»

Québec s'est déjà engagé à accueillir 3650 réfugiés en provenance de Syrie d'ici la fin de l'année. Avec les nouvelles cibles envisagées par le gouvernement Trudeau, on s'attend désormais à recevoir environ 5700 migrants.

Débat d'urgence

Le gouvernement Couillard s'est engagé à accueillir les réfugiés de manière «ordonnée» et «sécuritaire» lors d'un débat d'urgence organisé mardi à l'Assemblée nationale. Mais pour l'heure, Québec attend toujours de connaître les intentions d'Ottawa.

«Cet objectif de 25 000 d'ici le 1er janvier, ce n'est pas le nôtre, c'est celui du gouvernement fédéral. C'est à lui d'en répondre. Il l'a confirmé [hier] matin, donc il semble très ferme et semble continuer dans cette direction. Bien. Mais nous, on a besoin d'obtenir de sa part des détails sur le plan de déploiement des ressources, la collaboration qu'on aura à assurer aux provinces et, bien sûr, aux municipalités. On attend donc ces communications prochainement.»