Sondages en baisse et fronde croissante au sein de son parti : Angela Merkel fait face à une grogne sans précédent en près de dix ans de pouvoir en Allemagne du fait de sa politique d'ouverture aux réfugiés.

«La chancelière marche sur de la glace» en maintenant envers et contre tout sa politique de la main tendue, commente jeudi le quotidien conservateur Die Welt, en s'inquiétant d'«un fossé croissant» entre Angela Merkel et la base de son mouvement de centre droit, la CDU, qui réclame de plus en plus ouvertement une fermeture des frontières du pays.

«La chancelière a confiance dans la capacité du pays à gérer cette crise, mais le pays, lui, perd cette confiance de plus en plus vite», ajoute-t-il, alors que le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung juge que «la révolution» que la chancelière cherche à créer dans sa famille politique «menace de dérailler».

Pour Angela Merkel la gestion de la crise des réfugiés se révèle être son plus grand défi politique intérieur depuis qu'elle a accédé à la tête du gouvernement il y a près de dix ans, en novembre 2005.

Mercredi, elle a dû affronter une colère d'une ampleur inédite de la base de la CDU, lors d'une réunion en Saxe (est), région où sont organisées la plupart des manifestations contre les réfugiés et «l'islamisation» de l'Allemagne, notamment de la part du mouvement populiste Pegida.

De cette réunion, la presse allemande a surtout retenu une pancarte qu'un militant n'a pas hésité à lever devant l'assistance, appelant à «détrôner Merkel».

La CDU fait aussi état de la défection de plusieurs milliers d'adhérents, qui ont rendu leur carte dans le contexte de l'afflux de migrants dans le pays, tandis que les sondages pour la chancelière et son parti sont tous orientés à la baisse. L'Union chrétienne-démocrate et son allié bavarois CSU sont redescendus à leur plus bas niveau d'intentions de vote (38 %) depuis les dernières élections des députés en septembre 2013.

Allemande de l'Est

Mme Merkel, dans le même temps, doit affronter une rébellion ouverte de la CSU bavaroise, en première ligne sur les migrants, qui pour la plupart entrent par cette région depuis l'Autriche pour venir en Allemagne.

Pour tenter d'apaiser le mécontentement, la chancelière vient de se rallier à une proposition de la CSU et des «durs» de la CDU de créer des centres de rétention le long de la frontière, appelés à trier les migrants dès leur arrivée en expulsant rapidement ceux ne remplissant clairement pas les conditions du droit d'asile.

Mais ce projet est rejeté par le parti social-démocrate, membre de sa coalition gouvernementale, qui dénonce des «camps» pour réfugiés. Et la chancelière n'a elle même accepté ce projet que du bout des lèvres.

Sur le fond, elle paraît déterminée à maintenir le cap de la main tendue. La «solidarité» est la seule option possible pour l'Europe et la fermeture des frontières «une illusion», a-t-elle encore martelé jeudi.

Sa longévité à la chancellerie, Mme Merkel la doit jusqu'ici à la fois à la bonne santé économique du pays, mais aussi à un pragmatisme politique solidement ancré, qui l'a toujours conduit à éviter de prendre à rebours l'opinion.

Dans la crise des réfugiés, en revanche, la chancelière a décidé de prendre un risque politique non négligeable en affichant clairement ses convictions personnelles : non à la fermeture des frontières, oui à un accueil ordonné des migrants : «Nous y arriverons!», qui résonne comme le «Yes we can!» du président américain Barack Obama, est devenu son credo.

La clé de son attitude est peut-être à chercher dans son passé d'ancienne Allemande de l'Est ayant vécu le Mur de Berlin : «L'isolement, cela n'a déjà pas très bien fonctionné du temps de la RDA», a-t-elle lancé mercredi soir aux militants de son parti.