L'intrusion inédite d'une centaine de migrants qui ont parcouru 15 km dans le tunnel sous la Manche avant d'être interceptée, a paralysé pendant toute la nuit de vendredi à samedi le trafic, qui restait perturbé en début de soirée.

Du «jamais vu» selon Eurotunnel, cette tentative intervient tandis que l'Union européenne fait face depuis plusieurs mois à l'arrivée massive d'hommes, de femmes et d'enfants pour la plupart en provenance de zones de conflit au Proche-Orient et en Afrique.

Peu après minuit, une centaine de personnes sont entrées dans le tunnel sous la Manche et ont parcouru 15 km avant d'être interceptées par les gendarmes.

«Il est fort probable qu'il s'agisse d'une opération réfléchie» pour «attirer l'attention de l'opinion publique» sur le sort des migrants affluant dans le nord de la France dans l'espoir de trouver un passage vers le Royaume-Uni, a déclaré une porte-parole d'Eurotunnel.

Selon une source policière interrogée par l'AFP, il y a eu vers 23h00 «un gros mouvement de migrants» qui ont traversé Calais pour se diriger vers le site d'Eurotunnel, «en présence de militants No Border», un réseau altermondialiste militant pour la liberté de circulation en Europe.

«C'est une attaque déterminée et bien organisée», a réagi un autre porte-parole d'Eurotunnel. Les migrants «ont couru à travers le terminal, plaquant au sol certains membres du personnel et lançant sur eux des pierres».

La préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio a confirmé «une certaine agressivité» du groupe de migrants. «D'habitude, ils reculent devant les forces de l'ordre, là ils voulaient passer».

Les migrants, 113 selon la préfète, ont forcé une clôture et sont entrés «dans le tunnel sud, assez loin, sur 15 km environ». Les gendarmes sont intervenus pour les empêcher de poursuivre et ont procédé à des interpellations. Vingt-trois personnes étaient actuellement en garde à vue.

Les pompiers ont fait état de dix blessés légers dans la nuit, dont sept migrants, deux gendarmes et un membre du personnel de sécurité d'Eurotunnel.

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a affirmé samedi que la stratégie à Calais ne changerait pas et que la frontière ne resterait pas sans sécurité.

«Ma responsabilité c'est...de ne pas me laisser impressionner par les manoeuvres des organisations criminelles qui visent de façon abjecte à prélever des sommes de plus en plus importantes à des personnes de plus en plus vulnérables en les poussant parfois à des actes violents, et de ne pas perdre de vue les objectifs humanitaires qui sont les nôtres», a-t-il déclaré.

Le trafic dans le tunnel a été interrompu de 00H30 à 08H05, heure de départ d'un train Eurostar depuis l'Angleterre.

Le service des navettes a repris progressivement. Mais des retards étaient encore signalés samedi en début de soirée.

Dans la matinée, une action similaire a eu lieu au port de Calais, avec la tentative d'environ 300 migrants de s'introduire sur le terminal voyageur et dans des camions, selon la sécurité portuaire. La rocade conduisant au port a également été investie par environ 200 personnes qui ont jeté des cailloux sur les forces de l'ordre.

Le site du tunnel, qui totalise 650 hectares et un périmètre d'une vingtaine de kilomètres, a fait l'objet l'été dernier de nombreuses tentatives d'intrusion, généralement la nuit. Un pic de 1700 avait été atteint le 3 août. Treize personnes sont mortes accidentellement depuis le 26 juin dans ces tentatives.

«Inertie»

Depuis les travaux de sécurisation entrepris - nouvelles barrières, accroissement des effectifs, chiens renifleurs -, le nombre des intrusions est tombé à une centaine par nuit.

Environ 3500 migrants rêvant de gagner l'Angleterre, qui leur ferme ses frontières, vivent dans des conditions indignes dans le camp dit «de la nouvelle jungle», à l'est de Calais. Les associations humanitaires accusent les autorités françaises d'«inertie» face à la menace d'une «catastrophe à grande échelle».

Le gouvernement a annoncé la création de 1500 places d'accueil en 2016, une politique de «bouts de chandelles» selon l'ONG Emmaüs qui a rompu vendredi le dialogue avec les autorités.

À l'autre extrémité de l'UE, l'afflux de migrants à la recherche d'un refuge se poursuit.

La Hongrie, qui finalise l'installation d'une clôture de barbelés à sa frontière avec la Croatie, a recensé vendredi 4987 nouveaux arrivants, portant le total à 300 159 depuis le début de l'année.

En Croatie, les migrants affluaient par milliers samedi à partir de la Serbie voisine.

À Vienne, samedi après-midi, 60 000 personnes selon les organisateurs, plus de 20 000 selon la police, s'étaient rassemblées sous le mot d'ordre «Bienvenue aux réfugiés», l'Autriche étant un important pays de transit et d'accueil de réfugiés en Europe centrale.

Quelque 168 000 migrants et réfugiés à la recherche d'un pays d'accueil ont traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Europe en septembre, un record mensuel, selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).