Après un accord laborieux sur la répartition des réfugiés, les dirigeants européens sont convenus de renforcer les frontières extérieures de l'UE, ainsi que l'aide humanitaire à leurs voisins, afin de freiner le flux sans précédent de migrants.

Au terme d'un sommet extraordinaire de plus de six heures à Bruxelles, le président du Conseil européen Donald Tusk a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi qu'«au moins 1 milliard d'euros supplémentaires seront mobilisés pour aider les réfugiés» dans les pays voisins de la Syrie.

Ces fonds iront au Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et au Programme alimentaire mondial (PAM). Le PAM avait été conduit ces derniers mois à réduire son action dans les camps, faute de financements, ce qui a provoqué le départ de nombreux réfugiés vers l'Europe.

Selon des sources européennes, l'enveloppe d'un milliard correspond à l'addition de 500 millions d'euros proposés par la Commission européenne, des crédits appartenant au budget de l'UE, et des sommes que les États membres sont appelés à verser en complément.

Le premier ministre britannique David Cameron a annoncé que son pays mettrait la main à la poche à hauteur de 136 millions d'euros. La France va dégager «100 millions d'euros sur deux ans», a fait savoir de son côté le président français François Hollande.

«Il y a eu un climat très constructif», s'est félicitée la chancelière allemande Angela Merkel.

Les dirigeants européens ont aussi convenu d'apporter davantage d'aides au Liban, à la Jordanie et à la Turquie, pour les aider dans leur accueil massif de réfugiés. Et ralentir par la même le flux vers l'Europe.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan sera d'ailleurs reçu par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le 5 octobre à Bruxelles.

Du fait de guerres qui ne vont pas cesser de sitôt, «nous parlons de millions de réfugiés potentiels, pas de milliers», a averti Donald Tusk.

Outre l'aide à apporter à des pays tiers, le sommet européen a également insisté sur la nécessité de prendre des mesures pour renforcer durablement les frontières européennes.

«Chaos» aux frontières 

«Le chaos actuel à nos frontières extérieures doit prendre fin», a plaidé M. Tusk, indiquant que les dirigeants européens appuyaient le programme d'action présenté dans la journée par la Commission européenne.

La Commission souhaite notamment que des «hotspots» - des centres d'accueil et d'enregistrement des migrants - soient opérationnels rapidement en Italie et en Grèce.

Il faut «assurer que ceux qui arrivent en Europe sont rapidement enregistrés, que leurs empreintes digitales sont prises, et qu'on puisse faire une sélection rapide entre ceux qui restent et ceux qui ne peuvent rester», les migrants économiques illégaux par exemple, a expliqué le vice-président de la Commission, Frans Timmermans.

Ces «hotspots» seront mis en place «d'ici la fin novembre», a assuré M. Tusk.

En réalité, des centres d'accueil existent déjà, mais ils ne répondent pas aux critères fixés par la Commission europénne, qui souhaite une supervision européenne de leur fonctionnement.

Les États membres veulent aussi améliorer l'efficacité de leur «politique de retour» des migrants économiques illégaux. À ce jour seulement 39% des personnes déboutées de leur demande d'asile sont effectivement expulsées.

Les négociations, notamment avec des pays africains, d'accords de réadmission pour qu'ils reprennent leurs ressortissants, vont être relancées.

Enfin, la Commission a rappelé que son projet d'«un corps de garde-côtes et garde-frontières européens» serait sur la table d'ici la fin de l'année.

Au total, la Commission propose de mobiliser 1,7 milliard d'euros pour faire face à la crise des réfugiés (500 millions étant inclus dans le milliard annoncé lors du sommet), s'ajoutant à des sommes déjà prévues pour atteindre un total de 9,2 milliards d'euros.

«Diktat»

Des milliers de personnes cherchant l'asile en Europe continuent d'arriver aux frontières grecque, croate, hongroise et italienne de l'Union européenne, poursuivant ensuite leur route vers le Nord, et notamment l'Allemagne.

Mardi, à Bruxelles déjà, les États membres avaient enfin réussi à se mettre d'accord sur la «relocalisation» en deux ans de 120 000 réfugiés venant prioritairement d'Italie et de Grèce, à partir justement des «hotspots» tant attendus.

Mais l'accord s'est fait au prix d'une fracture avec des pays de l'Est, qui ont voté contre la décision prise à la «majorité qualifiée».

Elle s'applique aux quatre pays de l'Est récalcitrants - République tchèque, Hongrie, Slovaquie et Roumanie -, qui devront malgré tout recevoir plusieurs milliers de personnes sur leur sol de manière permanente.

Le premier ministre hongrois Viktor Orban a dénoncé mercredi «l'impérialisme moral» que tente selon lui d'imposer la chancelière allemande au reste de l'Europe, alors que Angela Merkel plaide pour des quotas contraignants et permanents.

À Bratislava, le premier ministre slovaque Robert Fico a fustigé un «diktat», et annoncé qu'il allait saisir la Cour de justice de l'UE pour faire annuler la décision.

Pour le Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), la répartition de 120 000 réfugiés est loin d'être suffisante, puisque l'Europe a déjà vu arriver quatre fois plus de migrants depuis janvier. Selon l'OCDE, un million de demandes d'asile pourraient être déposées dans l'UE en 2015.