Les accusations fusent à haut niveau entre Zagreb et Budapest quant à la gestion de la crise des migrants, mais sur le terrain une coordination bien négociée et efficace s'est installée entre les deux voisins.

Après avoir initialement affirmé qu'un accord existait entre les deux pays, et après le démenti ferme de Budapest, Zagreb a admis samedi avoir forcé la main à la Hongrie en renvoyant les migrants du Moyen-Orient souhaitant se rendre en Europe occidentale, en autocar et en train vers sa frontière.

Budapest accusait Zagreb d'encourager les migrants à franchir « illégalement » sa frontière, tandis que M. Milanovic assurait que « la Croatie ne deviendrait pas le centre de réfugiés de l'Europe ».

Pourtant, la réalité sur le terrain montrait un système particulièrement efficace, comme samedi soir au passage frontalier croato-hongrois de Baranjsko Petrovo Selo - Beremend, dans le nord-est de la Croatie, lorsque onze autobus croates ont acheminé environ 600 migrants.

Un autobus croate s'arrêtait à quelques mètres de la frontière. Les passagers descendaient en territoire croate, ils franchissaient à pied les quelques mètres les séparant de la Hongrie où ils montaient ensuite dans un autobus hongrois qui partait aussitôt.

Se présentait alors l'autobus suivant et ainsi de suite. Il suffisait d'environ quinze minutes pour s'occuper des passagers d'un autobus, ont constaté des journaliste de l'AFP.

Destination l'Allemagne

« Je voyage depuis vingt jours. C'est horrible. Je suis tellement fatigué », dit Oras, 21 ans, un Irakien originaire de la ville d'Anbar, âgé d'une vingtaine d'années.

« Tous les membres de ma famille ont été tués, ma soeur, ma mère, mon père, tous... Je suis le seul survivant. Je veux juste vivre ma vie. C'est tout », dit en s'éloignant ce jeune homme maigre, le visage mangé par une barbe de plusieurs jours.

Un nouvel autobus s'arrête. Les portes s'ouvrent et des bagages se déversent sur l'asphalte.

Maillot blanc, bermuda à carreaux, Ammar, un jeune à l'allure athlétique, saute de l'autobus et se met à les ranger.

« Je suis avec les cinq membres de ma famille, mais en réalité nous sommes un groupe d'une quinzaine de personnes, tous des Syriens, qui avons fait connaissance en pleine mer à bord d'un canot pneumatique entre la Turquie et la Grèce », raconte, volubile, cet étudiant en droit originaire de Damas.

« Nous voici ensemble, en train d'approcher notre destination, l'Allemagne, quelle que soit la ville », se réjouit-il.

En attendant son tour de passer en territoire hongrois, un autre jeune Syrien confie : « Nous avons été un peu déprimés lorsqu'on a appris que la Hongrie avait fermé ses frontières, mais maintenant nous sommes heureux ».

Marchant à travers champs, des centaines de migrants, certains fuyant des zones en conflit comme la Syrie, l'Irak ou l'Afghanistan, ont continué d'arriver samedi depuis la Serbie en Croatie, devenue la nouvelle route de leur exil depuis que la Hongrie a verrouillé par une clôture barbelée ses 175 kilomètres de frontière avec Belgrade.

Mais désormais, via la Croatie, le système pour les acheminer vers l'Europe occidentale est bien rodé.

À Letenye, passage frontalier dans le nord de la Croatie, une soixantaine d'autobus ont acheminé environ 3000 migrants entre vendredi soir et samedi après-midi. La Hongrie les a accueillis et s'est empressée de les conduire à la frontière toute proche avec l'Autriche.