La Croatie a assuré mercredi qu'elle allait permettre le passage sans encombre des migrants en route vers l'Europe occidentale et a convoqué une réunion de son Conseil de sécurité nationale pour discuter de la gestion de la crise migratoire.

«Ils (les migrants) pourront passer par la Croatie et nous travaillons à ce propos (...). Nous sommes prêts à accepter ces gens, quelles que soient leur religion et la couleur de leur peau, et à les diriger vers les destinations où ils souhaitent se rendre, l'Allemagne et la Scandinavie», a déclaré le Premier ministre Zoran Milanovic, lors d'une session du Parlement.

«Ces gens sont ici (...) mais ne veulent pas venir en Croatie, ou en Hongrie et je ne comprends pas où est le problème de les laisser passer», a dit M. Milanovic qui s'est livré à une virulente critique de la Hongrie, pays qui a fermé sa frontière aux migrants.

«Je n'approuve pas la politique de Budapest et la considère comme nuisible et dangereuse. La construction de murs n'arrêtera personne (...) une clôture en Europe au 21e siècle n'est pas une réponse mais une menace», a-t-il insisté en faisant référence à la clôture barbelée érigée par la Budapest le long des 175 km de frontière avec la Serbie.

Selon le ministre de l'Intérieur Ranko Ostojic, la Croatie s'attend à l'arrivée de quelque 4.000 migrants dans les prochains jours, qui seront pris en charge dans les centres de réception et d'autres structures dans différentes villes.

Selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, publié vers 10h00, un total de 892 migrants étaient arrivés en Croatie mercredi dont 360 envoyés vers le principal centre d'accueil à Jezevo, près de Zagreb.

«Nous avons une capacité d'accueil pour 1500 réfugiés par jour sans avoir à installer des tentes», a-t-il indiqué, ajoutant qu'au besoin des ressources additionnelles seraient mobilisées.

M. Ostojic a déclaré que des discussions étaient en cours avec la Slovénie voisine sur la possibilité d'instaurer des corridors pour le passage des migrants.

Mais le ministre slovène de l'Intérieur, Vesna Gjerkes Znidar, a démenti avoir discuté avec la Croatie d'une telle éventualité. «Si la Slovénie permettait un tel afflux massif incontrôlé et spontané de migrants ou si elle ouvrait un corridor, cela violerait les législations nationale et européenne», a déclaré le ministre.

La présidente croate Kolinda Grabar Kitarovic, a, de son côté, mis en garde «contre les conséquences de la vague des migrants et ses potentielles répercussions sociales, économiques et sécuritaires». «Il est nécessaire de convoquer une réunion du Conseil de sécurité nationale sur cette question», précise un communiqué de la présidence. La réunion pourrait avoir lieu vendredi ou mardi prochains.

UNE NOUVELLE ROUTE

Principal pays de transit en Europe centrale pour les migrants désireux de rejoindre l'ouest de l'Europe avec plus de 200 000 passages depuis le début de l'année, la Hongrie s'est barricadée dans la nuit de lundi à mardi derrière une clôture de barbelés, poussant les migrants à chercher d'autres voies d'entrée en Europe occidentale.

La police de Tovarnik, dans l'est de la Croatie, a ainsi indiqué que 181 migrants étaient arrivés en matinée.

Un groupe de 30 à 40 personnes, constitué majoritairement de Syriens et d'Afghans avec des enfants, a passé la frontière à Tovarnik, après avoir transité par la ville serbe de Sid, selon des journalistes de l'AFP.

«La Hongrie a fermé sa frontière, c'est pourquoi nous sommes venus en Croatie, pas le choix», explique l'un d'entre eux, Waqar, un Pakistanais de 26 ans.

Les migrants ont été interpellés par la police croate peu après avoir franchi la «frontière verte» - à travers les champs - et conduits à Tovarnik pour y être enregistrés et y recevoir, le cas échéant, des soins.

Après la fermeture de la frontière hongroise, selon les données de la police mercredi, seulement 367 migrants ont pénétré illégalement en Hongrie la veille. Avec la législation dissuasive mise en place par le gouvernement du populiste Vikltor Orban, ils ont tous été arrêtés et risquent jusqu'à cinq ans de prison.

«Peur d'aller en Croatie»

Le poste-frontière de Horgos, principal point de passage à la frontière serbo-hongroise, était toujours fermé mercredi matin. Environ 200 migrants ont passé la nuit sur place, pour les plus chanceux dans des tentes mises à leur disposition par des organisations humanitaires, les autres à même le sol, selon un journaliste de l'AFP.

«J'espère que les Hongrois vont ouvrir la frontière. J'ai peur d'être bloquée en Croatie. Je veux me rendre en Europe de l'Ouest. Je ne veux pas rester en Croatie ou en Slovénie, car je ne connais pas ces pays», dit Racha, 26 ans, professeur d'anglais à Damas qui voyage avec sa fillette de cinq ans.

Depuis la Turquie aussi, les réfugiés, essentiellement syriens, ont décidé de chercher d'autre voie que la mer - si meurtrière - pour rejoindre l'Europe.

Des centaines ont pris d'assaut mardi la gare routière d'Istanbul avec l'espoir de gagner Edirne (nord-ouest) porte d'entrée terrestre vers la Grèce. Certains ont pris la route à pied, avec leurs enfants et sacs au dos, pour une marche de 250 km jusqu'à EdiRne.

Un millier étaient réunis mercredi dans cette ville, sous le contrôle des forces de l'ordre, dans l'espoir d'un éventuel passage en Grèce, a rapporté un photographe de l'AFP.

Nouveau sommet européen

La détermination des migrants et des réfugiés - dont beaucoup fuient les conflits en Syrie, en Afghanistan et en Irak - met l'Europe à l'épreuve et Berlin semble à bout de patience face aux divergences au sein de l'UE. L'Europe, qui a vu arriver 500 000 migrants depuis le début de l'année, traverse sa prise crise migratoire depuis 1945.

Mardi, la chancelière allemande Angela Merkel et son homologue autrichien Werner Faymann ont demandé la tenue rapide d'un sommet européen pour s'entendre sur une répartition contraignante de 120 000 réfugiés après l'échec la veille des ministres de l'Intérieur des 28.

La principale difficulté sera de convaincre les pays d'Europe de l'Est (Hongrie, République tchèque, Pologne, Slovaquie et Roumanie) réticents à accepter l'accueil massif de réfugiés. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, va mener des consultations.

Le premier ministre slovaque Robert Fico a lui aussi souhaité un sommet de l'UE, mais pour y réitérer son refus de se faire «dicter» des quotas.

Les ministres de l'Intérieur de l'UE doivent, eux, se retrouver le 22 septembre à Bruxelles pour une nouvelle réunion extraordinaire.

Débordée par l'afflux de dizaines de milliers de réfugiés - elle en attend jusqu'à un million en 2015 -, l'Allemagne avait annoncé dimanche soir le rétablissement des contrôles à la frontière, et a entraîné dans son sillage la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. L'Autriche a procédé mercredi à ses premiers contrôles frontaliers.

- Avec Eric Randolph