Rogina est arrivée à Berlin il y a une semaine, en provenance de l'Iran, avec sa fille de 14 ans, Sara. Elle a le visage marqué par l'épuisement et la douleur de l'exil.

Ce n'est pas étonnant: elle a dû camper pendant cinq jours devant le ministère de la Santé et des Affaires sociales, à Berlin, avant que sa demande d'asile ne soit dûment enregistrée.

Rogina et sa fille pourront enfin dormir dans un foyer collectif. Elles ont obtenu leur passeport pour le filet social que l'État allemand offre aux demandeurs d'asile: un bracelet de plastique qui porte le numéro 67 388.

Ce chiffre à lui seul donne une idée de l'afflux humain que vit actuellement l'Allemagne. Le bureau berlinois reçoit 900 nouveaux demandeurs par jour. Le traitement des dossiers est chaotique. Des numéros apparaissent sur un écran installé devant l'immeuble, sans ordre logique apparent. Les demandeurs d'asile ont peur de s'en éloigner, de crainte que leur numéro ne soit appelé quand ils seront aux toilettes, ou à la recherche d'une ration de nourriture.

De toute évidence, il est impossible de traiter tous les nouveaux dossiers en une journée. Les retards s'accumulent et l'attente dure de plus en plus longtemps. Elle peut atteindre 10 jours, selon Lazslo Hubert, porte-parole de l'ONG Moabit Hilft, qui coordonne l'aide aux centaines de demandeurs d'asile qui passent leurs journées devant l'immeuble du ministère de la Santé.

Le principal problème pratique des réfugiés, c'est le logement. Les camps d'hébergement installés dans des gymnases ou des tentes n'apportent qu'une solution temporaire. «Les hôtels n'acceptent plus de réfugiés parce que le gouvernement prend trop de temps à les payer», dénonce Lazslo Hubert.

Le problème s'intensifiera en hiver, quand les structures temporaires deviendront inadéquates, craint Robert Lüdecke, du centre de recherche sur le racisme Amadeu Antoni Stiftung.



Budget de 6 milliards

Les autorités de la petite ville de Nauen, à 20 km de Berlin, ne savent plus où donner de la tête. L'administration régionale avait mis de côté l'équivalent de 40 000$ pour des imprévus. Mais la cagnotte est déjà épuisée, confie le maire de Nauen, Detlef Fleischmann.

La coalition au pouvoir à Berlin a voté cette semaine un budget de 6 milliards d'euros (9 milliards de dollars) pour accueillir les 800 000 réfugiés attendus en Allemagne. «Mais quand recevrons-nous cet argent? Et comment sera-t-il distribué?», se demande le maire Fleischmann.

Or les besoins se font sentir maintenant et ils sont pressants.

La région du Havelland, dont fait partie Nauen, aura besoin de 850 nouvelles places d'hébergement d'ici la fin de l'année, écrit le journal Markische Allgmeine. «L'État du Brandebourg est à bout de souffle, les communes ont atteint les limites de ce qu'elles peuvent supporter.»

«Si on ne nous aide pas, on installera des réfugiés à l'Assemblée législative», ironise le porte-parole de l'administration régionale, Ronny Wappler, cité dans le même article.

L'incertitude crée aussi une onde de choc dans les écoles qui devront organiser d'urgence des classes d'accueil, sans savoir de quelles ressources supplémentaires elles pourront disposer.

Tout ça alors que de nouveaux réfugiés mettent chaque jour pied en Allemagne. Et que les prévisions sur le nombre de nouveaux arrivants sont sans cesse dépassées par la réalité.