Les tensions croissantes entre Européens sur la crise migratoire seront au coeur d'une réunion vendredi à Prague entre l'Allemagne et plusieurs pays frontalement opposés à la politique de Berlin en faveur de l'accueil des réfugiés, qui continuent d'affluer sur les routes d'Europe.

La rencontre doit se tenir entre les chefs de la diplomatie des pays du groupe de Visegrad (Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Hongrie) et leurs homologues allemand et luxembourgeois, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE. Elle «va contribuer à une meilleure compréhension mutuelle parmi les membres de l'UE au sujet des différentes positions sur les manières de résoudre la crise migratoire», a assuré jeudi le ministère tchèque des Affaires étrangères.

Les signes de tension se sont multipliés jeudi en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie, mais aussi au Danemark, en Autriche et en Macédoine, au lendemain d'un appel vibrant du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à l'«audace» et à «l'humanité» des membres de l'UE.

D'autant que le flot ininterrompu de réfugiés, souvent partis de Syrie ou d'Irak, est loin de se tarir.

Quelque 22 500 nouveaux arrivants, dont un très grands nombre de Syriens ayant traversé la mer à partir de la Turquie, ont été enregistrés depuis lundi soir sur l'île grecque de Lesbos, en mer Egée, tandis qu'un nombre record de passages a été signalé jeudi entre la Serbie et la Hongrie, ainsi qu'à la frontière avec l'Autriche.

Celle-ci a dû suspendre sine die ses liaisons ferroviaires avec la Hongrie en raison de la «congestion massive» de son réseau face à l'afflux de migrants désireux de se rendre en Allemagne.

La politique de Budapest, qui s'apprête à déployer l'armée pour fermer hermétiquement sa frontière avec la Serbie, pousse les candidats à l'exil à accélérer leur marche à travers les Balkans de peur qu'il ne soit bientôt trop tard.

Dans le secteur de Röszke, principal point de passage entre les deux pays, des cars affrétés par les autorités hongroises embarquent les réfugiés par centaines pour les conduire dans des camps de premier accueil.

«C'est Bachar (al-Assad, le président syrien, NDLR) qui devrait être là à notre place, tout est de sa faute», expliquait un groupe de jeunes Syriens emmitouflés dans des couvertures.

Un mur à la frontière macédonienne ?

Des prisonniers hongrois ont été réquisitionnés pour achever au plus vite la construction d'une clôture de barbelés destinée à endiguer le flux que le gouvernement veut stopper net le 15 septembre, jour de l'entrée en vigueur d'une nouvelle législation anti-migrants.

À compter de cette date, la Serbie va être confrontée à «de nombreux problèmes», a affirmé jeudi le premier ministre serbe Aleksandar Vucic. «Après le 15 septembre, les réfugiés qui séjournaient en Serbie entre deux et trois jours y resteront plus longtemps, entre cinq et dix jours et nous devons être prêts pour cette nouvelle réalité», a-t-il dit en invitant ses concitoyens à faire preuve de «solidarité et de tolérance» envers les réfugiés.

Après le premier ministre slovaque Robert Fico mercredi, le président roumain Klaus Iohannis s'est aussi publiquement opposé jeudi au système de quotas proposé par M. Juncker pour répartir dès la semaine prochaine 160 000 réfugiés déjà présents sur le sol européen. «Nous ne considérons pas que c'est une solution ou que c'est opportun de parler de quotas obligatoires, calculés de manière très bureaucratique», a-t-il prévenu.

Quant à la Macédoine, elle envisage de suivre l'exemple de la Hongrie et pense ériger une clôture à sa frontière. «Nous aussi allons avoir besoin d'une barrière physique pour limiter les franchissements illégaux de la frontière (...) Soit des soldats, soit une clôture, soit une combinaison des deux», a déclaré le chef de la diplomatie macédonienne, Nikola Poposki.

À cet égard, la situation risque de dégénérer en cas d'afflux important de réfugiés à la frontière gréco-macédonienne, où des migrants épuisés et irascibles étaient jeudi sur le point de se battre entre eux sous le regard de policiers débordés, a constaté l'AFP.

Le Danemark a également manifesté son désaccord, en bloquant des trains dans lesquels se trouvaient des migrants en transit vers la Suède... où les réfugiés sont en revanche les bienvenus.

«Une goutte d'eau dans la mer»

L'Irlande a elle exprimé sa solidarité en acceptant de recevoir 2900 réfugiés, alors qu'elle dispose d'une clause d'exemption sur ce dossier.

Hors du continent européen, Barack Obama souhaite que les États-Unis, montrés du doigt pour leur manque de réactivité face à la crise migratoire déclenchée par le conflit en Syrie, se préparent à accueillir 10 000 réfugiés syriens pendant l'année à venir.

Les députés européens ont approuvé, quant à eux, à une large majorité les mesures d'urgence proposées la veille par Jean-Claude Juncker et dénoncé dans une résolution un «manque de solidarité regrettable des gouvernements envers les demandeurs d'asile».

L'Allemagne a annoncé avoir enregistré 450 000 nouveaux réfugiés depuis le début de l'année, dont 37 000 pour la seule première semaine de septembre.

«Cela montre franchement que la répartition de 160 000 réfugiés en Europe n'est qu'un premier pas si l'on veut rester cordial. On peut aussi dire une goutte d'eau dans la mer», a insisté le vice-chancelier Sigmar Gabriel.