Déjà très en pointe par rapport à ses partenaires, l'Allemagne a appelé mardi l'Europe à ouvrir encore plus ses portes aux réfugiés qui se pressent par dizaines de milliers aux frontières de l'Union européenne en un flot ininterrompu malgré les obstacles.

Devenue le lieu emblématique d'une vague sans précédent depuis 1945, la petite île grecque de Lesbos doit accueillir à elle seule 20 000 candidats à l'exil, soit le quart de sa population.

Des dizaines de milliers d'autres poursuivent leur marche obstinée vers l'Europe du Nord à travers les Balkans.

L'Allemagne reste la destination rêvée de la plupart d'entre eux, un choix qui devrait encore être conforté par les dernières déclarations de la chancelière allemande Angela Merkel et de son ministre de l'Économie Sigmar Gabriel.

«Nous avons besoin au final d'un système ouvert de quotas pour la répartition obligatoire des personnes qui ont un droit à l'asile», a déclaré Mme Merkel, en jugeant que plafonner à l'avance nombre de migrants n'avaient aucun sens.

Et, selon elle, la proposition attendue mercredi de la Commission européenne de répartir 120 000 migrants en Europe n'est qu'un «premier pas», malgré les réticences de certains pays européens.

Concernant la seule Allemagne, «je pense que nous pouvons certainement gérer un chiffre de l'ordre du demi-million (de réfugiés par an) pendant plusieurs années (...) peut-être même plus», a déclaré de son côté le vice-chancelier social-démocate Sigmar Gabriel.

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, AFP

Mardi, 30 000 migrants se trouvaient sur les îles grecques, selon le Haut commissariat pour les réfugiés de l'ONU (HCR). Ci-dessus, des réfugiés arrivent au port du Pirée, près d'Athènes, en provenance de Lesbos, le 8 septembre.

Fuite à travers champs

Selon les derniers chiffres de l'ONU, plus de 380 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis janvier et 2850 sont morts ou portés disparus.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a prédit que cet «exode», comme il l'a lui-même appelé, risquait de durer «des années».

À la frontière nord de la Grèce, qui permet à des milliers de migrants de passer chaque jour vers la Macédoine, la police a choisi d'identifier une personne par groupe parlant anglais, chargée de rassembler les papiers de tous ses camarades. Elle se voit affecter un numéro et quand ce numéro est appelé, c'est tout le groupe qui passe la frontière.

Dans un flux continu, ils prennent ensuite le chemin de la Serbie, de la Hongrie et de l'Autriche d'où ils veulent rejoindre l'Allemagne.

Exaspérés d'avoir attendu en vain plusieurs heures à Roszke, dans le sud de la Hongrie et à proximité de la frontière serbe, des centaines de migrants ont forcé mardi des cordons policiers pour poursuivre leur route coûte que coûte.

Ils se sont ensuite enfuis en courant à travers champs, certains portant des enfants, pour retrouver la voie ferrée qui devait les conduire plus au nord.

Plus loin, l'Autriche a renoncé à contrôler les trains à la frontière avec la Hongrie et des trains spéciaux relient désormais Vienne à Munich.

L'Allemagne, qui s'attend à 800 000 demandes d'asile juste cette année, a vu arriver environ 6000 personnes entre lundi et mardi matin, en plus des 20 000 du week-end.

«Dans la rue s'il le faut»

Après avoir pour beaucoup fui les horreurs de la guerre pour gagner la plus puissante économie européenne, ils se retrouvent plongés dans les méandres de la bureaucratie allemande, qui de son propre aveu est débordée.

Dans les centres d'accueil, l'atmosphère était mardi chaotique alors que les places dans les centres d'hébergement font défaut partout en Allemagne.

Mais il n'y a pas assez d'appartements à Berlin et les hôtels souvent ne veulent pas accepter les réfugiés», affirmait à Berlin Veron, un réfugié syrien de 30 ans. «Nous resterons dans la rue s'il le faut», assurait-il.

Malgré les difficultés, les signes de solidarité se multiplient un peu partout en Europe.

Les clubs de foot engagés dans l'Europa League vont ainsi donner un euro par billet vendu de leur première rencontre européenne. Les municipalités d'Espagne dirigées par le mouvement des «indignés», notamment Barcelone, ont lancé un mouvement citoyen pour créer un réseau de «villes refuges européennes».

Au Royaume-Uni, un débat a été organisé à la Chambre des Communes à la demande de l'opposition travailliste qui estime que le pays pourrait faire mieux que l'accueil de 20 000 Syriens en cinq ans proposé par le gouvernement.

Après avoir paru en retrait, la France a accepté de son côté d'accepter 24 000 réfugiés dans les deux prochaines années. Federica Mogherini, qui dirige la diplomatie européenne, a appelé tous les membres de l'UE à agir «avec le même courage».

Face à l'ampleur du phénomène, Peter Sutherland, représentant spécial de l'ONU sur les migrations, a insisté sur la nécessité d'une «réponse globale» de la communauté internationale, dont l'Europe ne serait qu'un élément.

Prenant les devants, le Venezuela, le Brésil et le Québec - qui n'a pas attendu l'avis du gouvernement fédéral canadien - se sont déjà déclarés prêts à participer à tel élan général.